Pénurie de main-d’œuvre: le défi de l’attraction et de la rétention du personnel

Dans l’actualité québécoise, il ne se passe presque pas un jour sans qu’on parle des problèmes liés à la pénurie de main-d’œuvre dans bon nombre de métiers et de professions.

Selon le Secrétariat du Conseil du trésor (SCT):

« Les enjeux de main-d’œuvre auxquels sont confrontées les entreprises québécoises obligent les employeurs à revoir en profondeur leurs stratégies en gestion des ressources humaines, et particulièrement celles relatives à l’attraction des talents de même qu’au maintien et au développement de l’expertise. La fonction publique n’échappe pas à cette réalité et devra relever des défis importants au cours des prochaines années. Dans un marché du travail marqué par une rareté de main-d’œuvre dans certains secteurs, dans une ère où les nouvelles technologies façonnent les emplois et les carrières d’aujourd’hui et de demain, la fonction publique doit pouvoir se démarquer en tant qu’employeur. »

La nouvelle Stratégie de gestion des ressources humaines 2018- 2023 (SGRH), rendue publique en juin dernier par le SCT, propose donc différentes actions pour permettre à la fonction publique « de se démarquer comme employeur de choix », notamment en ciblant l’attractivité des meilleurs talents, le développement de l’expertise et de la relève, la représentativité de la diversité québécoise, la transformation des organisations ainsi que la performance de la fonction publique.

Malheureusement, pas un mot sur le principe de la rémunération concurrentielle des emplois professionnels comme mesure essentielle pour attirer et conserver les meilleurs diplômés et les professionnels d’expérience. Les mesures proposées vont certes contribuer à la qualité de la main-d’œuvre et des services offerts, mais pas à la rétention de l’expertise. Un professionnel pourrait parfaitement être tenté de participer aux mesures de développement de l’expertise dans le but ultime d’augmenter sa valeur marchande dans le secteur privé ou les autres secteurs publics (fédéral, municipal, universitaire, société d’État).

En fait, dans plusieurs professions, la rémunération au gouvernement du Québec ne fait pas le poids avec celle des secteurs « privé » et « autres publics ». L’Institut de la statistique du Québec évaluait ce retard de rémunération pour des emplois professionnels comparables dans les secteurs « autres publics » à 23 % en 2017.

Les données provenant de L’effectif de la fonction publique du Québec 2016-2017 et années antérieures publiées par le SCT ne nous permettent pas d’évaluer précisément les problèmes vécus par le gouvernement du Québec pour attirer du nouveau personnel professionnel, pour reconnaître et valoriser l’expertise interne de l’État et pour retenir les professionnels d’expérience dans les fonctions publique et parapublique dans un contexte de forte concurrence sur le marché de l’emploi.

Cependant, il est possible d’estimer que, de 2010-2011 à 2016-2017, ce sont 22,0 % des départs de la fonction publique en moyenne qui ne sont pas assimilables à la retraite. Pour arriver à ce chiffre, nous avons soustrait le nombre de départs à la retraite du nombre total de départs de la fonction publique. Il est à noter que, même si le SCT recense de l’information en ce qui a trait aux motifs justifiant les départs de la fonction publique1, il ne rend publiques que des statistiques globales sur les départs à la retraite. Il serait intéressant d’examiner plus à fond, parmi les motifs justifiant les départs, celui de la démission ou de l’abandon volontaire d’un emploi pour en connaître les causes.

En ce qui a trait aux travailleurs d’expérience, ils représentent en moyenne 51,5 % des départs de la fonction publique de 2010-2011 à 2016-2017. Nous avons considéré les statistiques de départs de la fonction publique des personnes âgées de 40 à 59 ans pour arriver à ce pourcentage. Nous constatons que c’est un défi pour le SCT de convaincre les travailleurs d’expérience de rester plus longtemps au travail après avoir atteint l’âge de 60 ans. De plus, un sondage réalisé en 2007 auprès d’environ 5 000 jeunes de moins de 35 ans travaillant dans la fonction publique révélait que près de 15 % des répondants occupant un emploi occasionnel prévoyaient quitter la fonction publique au cours des cinq prochaines années et que 21,6 % disaient ne pas le savoir, soit un total de 36,6 % de jeunes occasionnels qui prévoyaient quitter la fonction publique ou qui ne le savaient pas.

En obtenant des précisions sur les motifs justifiant une démission chez les travailleurs d’expérience (groupe des 40-59 ans) et chez ceux qui quittent leur emploi pour des raisons autres que la retraite, nous pourrions confirmer ou infirmer notre hypothèse sur la rémunération concurrentielle des emplois professionnels comme mesure essentielle pour attirer et conserver les meilleurs diplômés et les professionnels d’expérience dans un contexte de forte concurrence sur le marché de l’emploi. Le comité relatif à l’expertise, l’attraction et la rétention des professionnelles et professionnels de la fonction publique convenu avec le SCT à la signature de la convention collective 2015-2020 devrait permettre au SPGQ d’en faire la démonstration. C’est à suivre…

 


[1]. Codes de mouvements relatifs aux départs: 31 Retraite; 32 Démission (abandon volontaire d’un emploi); 33 Révocation (congédiement pour incompétence ou incapacité d’exercer ses fonctions); 34 Décès; 36 Fin d’emploi (décision de ne pas accorder le statut permanent à un employé temporaire); 37 Cessation d’emploi (inactivation définitive du dossier d’un employé occasionnel – ce motif est parfois utilisé pour un employé régulier); 38 Mise à pied (mise à pied temporaire d’un employé à temps partiel régulier sur appel); 39 Destitution (congédiement d’un employé pour causes graves).