Le processus de négociation en temps de pandémie

Article publié dans le magazine L’Expertise – Décembre 2020

Par Thiago Diniz,
Conseiller à la négociation et l’équité salariale 2015 – Fonction publique

 

En mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré l’état de pandémie causée par la COVID-19. Quelques jours après, le gouvernement du Québec emboîtait le pas en décrétant l’état d’urgence sanitaire, qui prévoyait des mesures comme le confinement, la distanciation sociale et la conséquente fermeture des bureaux gouvernementaux. Des conséquences majeures en ont découlé sur les négociations du secteur public, non seulement en relation avec le contexte socioéconomique, mais aussi avec le mécanisme même de négociation.

 

L’organisation de la négociation

L’organisation du déroulement de la négociation est partie intégrante du processus de négociation et doit être convenue entre les parties. C’est le moment de convenir des règles de fonctionnement, par exemple la fréquence et la période des rencontres, de même que les sujets qui seront négociés.

Compte tenu du contexte exceptionnel de la pandémie, le Secrétariat du Conseil du trésor (SCT) a invité le Syndicat à poursuivre les négociations du secteur public dans le cadre de négociations éclair (blitz). Le but était d’arriver rapidement à une entente, notamment en réduisant le temps pour la négociation et en limitant les matières à négocier. Plusieurs étapes très importantes dans le processus de négociation traditionnel ont ainsi été brûlées.

 

Les étapes de négociation

Selon la doctrine, un processus de négociation se déroule en cinq étapes : 1) l’ouverture, 2) l’exploration, 3) le rapprochement, 4) la phase critique et 5) l’entente finale.

 

Étape 1 : l’ouverture

Les parties font connaissance – membres des comités de négociation et porte-parole – et présentent leur position. Cette étape implique un bref échange sur les demandes respectives. Lors du blitz proposé par l’employeur, cette étape a été dénaturée de façon importante, car il limitait le nombre de rencontres et les matières à négocier.

Étape 2 : l’exploration

Elle implique la compréhension des demandes de chacune des parties (enjeux) et l’évaluation de leur portée en vue de bien saisir les positions (intérêts) des deux parties. Dans une négociation raisonnée, cette étape s’avère primordiale : elle sert notamment à identifier les intérêts convergents ou divergents dans le but de rechercher des solutions objectives et convenables. Cette étape a été réduite au strict minimum lors du blitz, privant ainsi les parties des discussions qui les auraient aidées à identifier les enjeux communs ou même les possibles concessions à faire. Généralement, l’étape d’exploration demeure la plus longue et ardue du processus de négociation.

Étape 3 : le rapprochement

Les parties ont déjà présenté leur position et se voient contraintes à se rallier pour faire avancer les négociations. Elles doivent consentir à des compromis et à des concessions afin de réduire le plus possible l’écart qui les sépare. Cette étape a été carrément supprimée dans le cadre du blitz de négociations.

Étape 4 : la phase critique

Les parties doivent faire des choix déchirants sur des questions jugées importantes pour les mandataires. Elles passent plus de temps seules à réfléchir et à discuter à l’interne qu’à négocier. Parfois, les porte-parole se rencontrent seuls à seuls afin d’échanger, sans engagements, sur des zones de règlement possibles. Le climat est plus tendu et les discussions à cette étape sont de type « ça passe ou ça casse ». Lors du blitz de négociations, les parties ont été quasiment catapultées directement à l’étape finale de négociation.

Étape 5 : l’entente finale

L’entente finale, qu’on appelle communément l’entente de principe, s’avère particulièrement difficile pour la partie syndicale, qui doit expliquer et faire approuver la convention par le vote des membres en assemblée générale. Dans un contexte où les rassemblements sont interdits, les débats et les échanges entre les membres sont profondément affectés.

 

Conclusion

Bien que les négociations soient toujours dynamiques et que ces étapes soient des vases communicants interdépendants, la crise sanitaire dans laquelle le Québec est plongé a bouleversé radicalement le processus de négociation. Cela ne favorise guère la conclusion d’une entente satisfaisante, particulièrement pour la partie syndicale.