Négociation collective de la fonction publique – Quel impact sur les autres groupes représentés par le SPGQ?

Article publié dans le magazine L’Expertise – Décembre 2020

Par Anouk Frenette-Tremblay,
Conseillère en relations du travail et à la négociation

 

Répondre à cette question n’est pas simple puisque le régime de négociation collective des secteurs public et parapublic est hautement centralisé en raison de l’environnement politique et législatif. En plus du Code du travail, plusieurs autres lois régissent les négociations collectives.

Pour l’ensemble des ministères et organismes de la fonction publique, la négociation collective s’effectue entre les négociateurs du SPGQ et ceux du Conseil du trésor. Dans les organismes parapublics (p. ex. : la Société québécoise des infrastructures, l’Autorité des marchés financiers ou les musées nationaux), la négociation s’effectue directement entre les délégués syndicaux, leurs porte-parole et les membres de la direction.

Puisque le SPGQ négocie directement avec les décideurs des organismes parapublics, il serait logique de croire que la négociation est plus fluide, simple et directe et qu’elle permet une plus grande marge de manœuvre que dans la fonction publique. Malheureusement, ce n’est pas le cas.

 

Plus d’intermédiaires

En effet, même si chacune des parties à la négociation connaît bien le milieu de travail et les enjeux faisant l’objet des discussions à la table, la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic prévoit notamment ceci :

« Avant d’entreprendre […] la négociation d’une convention collective, un organisme gouvernemental soumet au ministre responsable un projet établissant les paramètres généraux d’une politique de rémunération et de conditions de travail. Le ministre soumet ce projet pour approbation au Conseil du trésor, qui détermine, en collaboration avec celui-ci et l’organisme, les modalités selon lesquelles est assuré le suivi du déroulement des négociations. »

Dit autrement, le négociateur patronal doit faire approuver son mandat de négociation à la fois par le ministère duquel il relève et par le Conseil du trésor.

Au-delà des questions relatives à la rémunération, le Conseil du trésor assure une présence sentie dans les négociations parapubliques et veille farouchement à réprimer les initiatives locales qui pourraient avoir, de son point de vue, un effet d’entraînement.

D’ailleurs, les auteurs Morin, Brière, Roux et Villaggi, dans l’ouvrage Le droit de l’emploi au Québec[1], soulignent que « l’adjonction “parapublique” nous paraît toujours moins pertinente en raison de la grande centralisation dans ces milieux et de l’emprise du Conseil du trésor à titre de négociateur patronal ».

 

Un impact sur les gains et sur le rythme de la négociation collective

Ainsi, pour revenir à la question initiale, l’impact de la négociation collective de la fonction publique sur les autres groupes représentés par le SPGQ est important. Les organismes parapublics dépendent tous de l’État, qui influence le processus de négociation collective. Le Conseil du trésor maintient la même position ferme sur les augmentations salariales à l’ensemble des tables de négociation, mais il tente aussi de minimiser les gains qui pourraient causer un précédent.

Par exemple, lors de la dernière série de négociations, le Conseil du trésor était frileux par rapport à toutes les modalités entourant le télétravail ou une plus grande flexibilité d’horaire, ce qui, depuis le début de la crise pandémique, nous fait sourire.

Autre impact non négligeable sur le plan stratégique : le rythme de la négociation ainsi que les grands objectifs patronaux sont tributaires de la négociation de l’unité fonction publique puisque celle-ci touche un groupe important, soit près de 21 000 professionnelles et professionnels. Concrètement, nous observons sur le terrain que le Conseil du trésor n’approuve aucun mandat de négociation des organismes parapublics avant qu’une entente de principe n’intervienne avec la fonction publique.

Par ailleurs, le SPGQ constate avec frustration que certains secteurs ne sont pas prioritaires dans la planification stratégique du Conseil du trésor. Les organismes du milieu culturel, qui emploient majoritairement des femmes, reçoivent les autorisations nécessaires à un règlement longtemps après les autres. Conséquemment, ces femmes doivent patienter plusieurs années avant de recevoir les augmentations de salaire qui leur sont dues ou de voir leurs conditions de travail s’améliorer.

 

Revenir à une négociation qui apporte des solutions personnalisées

La négociation collective est un instrument d’équité interne et externe. Ainsi, les conditions de travail doivent être justes et raisonnables pour les professionnelles et professionnels, tant à l’intérieur de l’organisation qu’en comparaison avec l’externe.

La volonté du Conseil du trésor de « poser du tapis mur à mur » du même beige partout (soit uniformiser les conditions de travail) va à l’encontre de l’essence de la négociation collective, qui consiste à apporter des solutions aux problèmes propres à chaque milieu.

D’emblée, on comprend bien que la mission de l’Autorité des marchés financiers n’est pas celle du Musée national des beaux-arts du Québec; que la fonction publique emploie plus de gens que le Conseil des arts et des lettres. Pourquoi alors appliquer la même recette?

Au lieu de faire ramer les négociateurs patronaux dans une mer de mandats à approuver, ne pouvons-nous pas leur accorder une plus grande latitude au moment d’autoriser leurs mandats de négociation?

Ces questions méritent qu’on s’y attarde pour rendre le processus de négociation collective plus dynamique. Ce processus doit s’adapter aux conditions de travail des professionnelles et professionnels de ces organismes et aux changements, qui, eux, n’attendent pas les multiples approbations pour transformer la société et le monde du travail.

 

[1] Morin, F., Brière, J.-Y., Roux, D. et Villaggi, J.-P. (2010). Le droit de l’emploi au Québec (4e éd.), Montréal : Wilson & Lafleur, 2030 p. Voir en particulier le chapitre 4 Le droit des rapports collectifs du travail et le chapitre 5 Les services et le secteur publics.