Covid-19 – Ce que vous devez savoir sur le respect des mesures sanitaires au travail

Article publié dans le magazine L’Expertise – Avril 2021

Par Jennifer Nadeau
Avocate

et Geneviève Pepin-Bergeron
Conseillère aux relations du travail et à la négociation

 

Le 13 mars 2020, le Québec a déclaré, pour la première fois de son histoire, l’état d’urgence sanitaire. La Loi sur la santé publique1 (LSP), en vertu de laquelle l’état d’urgence sanitaire a été déclaré, permet au gouvernement de prendre diverses mesures afin de freiner la propagation du virus. Depuis, l’état d’urgence sanitaire a été prolongé à de nombreuses reprises et les mesures imposées par les différents décrets ont varié. Chose certaine, elles ont chamboulé la vie des Québécoises et Québécois, mais également les milieux de travail.

Bien que le personnel professionnel soit majoritairement en télétravail depuis le début de la pandémie, d’autres doivent toujours se rendre sur leur lieu de travail. Que l’on soit en accord ou non avec les mesures sanitaires, une transgression de celles-ci peut entraîner des conséquences considérables, autant pour la personne salariée que pour l’employeur.

 

MESURES SANITAIRES

Les mesures sanitaires recommandées dans les milieux de travail évoluent en fonction de la progression des connaissances sur le virus et de sa propagation.

L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail  (CNESST) mettent régulièrement à jour les outils concernant les mesures de contrôle de la COVID-19. Les mesures proposées doivent être adaptées à la réalité des différents secteurs afin que les activités puissent se poursuivre de la manière la plus sécuritaire possible.

Dans son Guide de normes sanitaires en milieu de travail 2, la CNESST indique qu’« en période de crise, il est important qu’ensemble, travailleuses, travailleurs et employeurs et autres acteurs du milieu collaborent afin d’avoir des milieux de travail sains et sécuritaires pour tous! Le dialogue et la coopération sont essentiels pour y arriver3. »

 

DROITS ET OBLIGATIONS

En vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail4 (LSST), l’employeur a l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et pour assurer la sécurité et l’intégrité physique de l’ensemble des personnes salariées5. Afin de remplir ses obligations, en contexte de pandémie de COVID-19, l’employeur doit respecter les recommandations des autorités gouvernementales. Il doit d’abord informer adéquatement les personnes salariées des directives et des mesures sanitaires à respecter. Les principales à mettre en place sont :

  • l’exclusion des personnes symptomatiques;
  • l’adaptation du milieu de travail afin de favoriser le maintien de la distance physique ;
  • le télétravail (recommandé dans la mesure du possible);
  • le respect de l’hygiène des mains et de l’étiquette respiratoire;
  • le port d’équipement de protection individuel, le cas échéant;
  • la désinfection des outils, des équipements et du matériel fréquemment utilisés.

 

Bien que les personnes salariées aient également des obligations en matière de santé et sécurité au travail, celles-ci sont moins contraignantes que celles de l’employeur. Cependant, les personnes salariées doivent prendre les mesures nécessaires pour protéger leur santé, leur sécurité et leur intégrité physique ainsi que celles de leurs collègues6.

À cet égard, les personnes salariées doivent prendre connaissance des directives et mesures sanitaires imposées par l’employeur et de celles recommandées par les autorités compétentes. Elles doivent surtout les respecter rigoureusement, au même titre que toutes les directives établies par l’employeur, afin de minimiser les risques de propagation du virus. La personne salariée peut également déposer une plainte à la CNESST si elle constate que l’employeur omet ou néglige de faire respecter les mesures sanitaires recommandées.

De plus, une personne salariée pourrait refuser de travailler si elle a des motifs raisonnables de croire que l’exécution de son travail l’expose à un danger ou peut avoir l’effet d’exposer une autre personne à un danger7. Toutefois, si le milieu de travail n’est pas propice à la contamination et que l’employeur respecte les mesures sanitaires recommandées, la simple crainte de contamination semble insuffisante pour exercer un droit de refus. Dans un tel cas, l’absence au travail de la personne salariée pourrait être considérée par l’employeur comme étant injustifiée.

Enfin, la personne salariée s’expose à des sanctions si elle se présente sur les lieux de travail avec des symptômes associés à la COVID-19 ou ne respecte pas les mesures sanitaires. Même chose pour les employeurs qui négligent d’appliquer les mesures sanitaires recommandées.

 

SANCTIONS

Si un employeur contrevient aux différents décrets ou néglige de prendre les moyens nécessaires pour faire respecter les mesures sanitaires, il s’expose à des poursuites pénales et à des conséquences administratives. Quant à une personne salariée, elle s’expose, en plus de poursuites pénales, à des mesures disciplinaires. Celles-ci pourraient aller jusqu’au congédiement. Les responsabilités civile et criminelle, pouvant potentiellement être engagées en certaines circonstances, ne seront pas abordées dans ce texte.

Les sanctions prévues à la LSST

Dans le contexte de la COVID-19, la CNESST collabore avec la Santé publique afin de soutenir les employeurs dans la mise en œuvre des mesures sanitaires.

Les inspecteurs de la CNESST jouent un rôle de premier plan puisqu’ils interviennent dans les milieux de travail à la suite d’une plainte, de l’exercice d’un droit de refus d’exécuter un travail8 ou lors d’accident du travail grave. En lien avec la COVID-19, les inspecteurs de la CNESST sont intervenus 17 908 fois entre le 13 mars 2020 et le 4 février 2021, et ce, notamment à la suite de 4 876 plaintes et de 40 droits de refus exercés conformément à la LSST.

Lors d’une intervention, l’inspecteur vérifie que l’employeur a mis en place les mesures nécessaires afin de protéger la santé et la sécurité des personnes salariées, et peut exiger des correctifs, le cas échéant9. S’il juge qu’il y a un danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique des travailleurs, il pourrait même ordonner la fermeture du milieu de travail jusqu’à ce que l’employeur apporte les correctifs requis10.

Par ailleurs, la LSST prévoit que quiconque, par action ou par omission, agit de manière à compromettre directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un travailleur commet une infraction et est passible d’une amende. Pour un employeur, les amendes varient entre 15 000 $ et 60 000 $ lors d’une première infraction. Du côté de la personne salariée, les amendes varient entre 1 500 $ et 3 000 $ lors d’une première infraction. Ces montants sont doublés en cas de récidive11.

Enfin, la responsabilité de l’employeur sera d’abord engagée, à moins qu’il démontre que l’infraction en question a été commise à son insu, sans son consentement et malgré les dispositions qu’il a prises pour la prévenir12.

Les sanctions prévues à la LSP

La LSP prévoit également des amendes en cas de non-respect des consignes sanitaires, et ce, que ce soit par une personne physique ou morale. Ainsi, le refus d’obéir à un ordre émis par les autorités de santé publique constitue une infraction passible d’une amende allant de 1 000 $ à 6 000 $13. De même, le fait d’amener une autre personne à ne pas respecter les mesures édictées constitue aussi une infraction passible d’une amende14.

Depuis le début de la pandémie, les policiers doivent également faire respecter les mesures sanitaires. Ils ont d’ailleurs remis de nombreux constats d’infraction15, notamment en lien avec le nombre trop élevé de clients dans des établissements, l’absence d’un registre de clients, le refus de porter le masque ou le non-respect de la distanciation physique16. D’autres constats d’infraction ont été remis à des établissements n’ayant pas suspendu leurs activités, contrairement à un ordre à cet effet, ou encore pour non-respect de l’interdiction de rassemblements17 intérieurs ou extérieurs.

 

LES MESURES DISCIPLINAIRES

Si l’employeur constate qu’une personne salariée ne respecte pas les mesures sanitaires, il pourrait lui imposer une mesure disciplinaire, et ce, dans le respect de la convention collective et du principe de la gradation des sanctions. En effet, à moins d’être en présence d’une faute grave, l’employeur ne peut contrevenir au principe de la gradation des sanctions18.

Une récente décision arbitrale a montré que de fausses déclarations concernant une procédure mise en place pour freiner la propagation du virus ont entraîné le congédiement d’une employée19. Dans cette affaire, lors de la prise de température corporelle quotidienne, l’employeur lui a demandé pendant cinq jours consécutifs si elle ou quelqu’un avec qui elle habite présentait des symptômes. Elle a répondu « non », alors qu’elle savait que son mari présentait des symptômes et était en attente du résultat d’un test de la COVID-19. L’employeur a procédé au congédiement de l’employée puisqu’il jugeait que la non-divulgation de ces informations avait mis en danger la santé de ses collègues et aurait pu avoir des conséquences graves.

Cette décision est un cas particulier dans la mesure où l’arbitre a rejeté le grief contestant le congédiement, principalement sur la base du fait que l’employée avait témoigné qu’elle ne souhaitait pas retourner chez l’employeur. L’arbitre a tout de même pris le soin de soulever l’incertitude liée au début de la pandémie.

Ensuite, suivant une décision arbitrale ontarienne20, le non-respect des règles émises par les autorités gouvernementales pourrait constituer une faute grave permettant à un employeur de congédier une personne salariée.

Dans cette affaire, l’employée s’était présentée sur les lieux de travail alors qu’elle était en attente du résultat de son test de dépistage de la COVID-19, et ce, malgré les directives claires de l’employeur à l’effet contraire. L’employée a par la suite avisé son employeur qu’elle avait reçu un résultat positif au test. L’employeur a découvert que l’employée avait fait une fausse déclaration et a procédé à son congédiement.

L’arbitre a conclu que l’employeur était justifié de congédier l’employée. D’abord, l’employeur a démontré qu’il avait pris les moyens nécessaires pour informer adéquatement les employés des directives de la Santé publique et que l’employée en question les connaissait bien. Dans ce contexte, l’arbitre a considéré que l’employée avait commis une faute grave, en raison notamment du fait que sa conduite était une violation flagrante des directives de l’employeur et de la Santé publique ; et qu’elle avait mis ses collègues et d’autres personnes à risque de contracter la maladie et, ultimement, en danger de mort. Enfin, elle ne s’était pas non plus inquiétée des conséquences possibles de ses agissements et elle n’avait exprimé aucun remords.

Il sera intéressant de voir l’évolution de la jurisprudence à ce sujet au cours des prochains mois.

Pour terminer, il est important de retenir qu’à titre d’employeur et de personne salariée, le respect des règles sanitaires doit être pris au sérieux puisque leur non-respect peut entraîner de graves conséquences, tant sur la santé des collègues que celle de la population en général, mais également des conséquences administratives et pécuniaires importantes.

 

NDLR : Cette chronique ne reflète que l’opinion de leurs auteures et ne constitue pas un avis juridique.


1. RLRQ, chap. S-2.2 (ci-après «LSP »).
2. CNESST, Guide des normes sanitaires en milieu de travail – COVID-19, Québec, gouvernement du Québec, 2021.
3. Ibid., p. 1.
4. RLRQ, chap. S-2.1 (ci-après «LSST»).
5. LSST, art. 51.
6. LSST, art. 49.
7. LSST, art. 12.
8. LSST, art. 12.
9. LSST, art. 182.
10. LSST, art. 186. Voir également CNESST, Questions et réponses – COVID-19, Québec, gouvernement du Québec, 2021.
11. LSST, art. 237.
12. LSST, art. 239.
13. LSP, art. 139.
14. LSP, art. 140
15. Justice Québec, Constats d’infraction ou amendes – COVID-19 – R-91812, Québec, gouvernement du Québec, 2020.
16. Stéphane Bordeleau, Opération OSCAR : la police a visité plus de 2200 bars et restaurants au Québec, Radio-Canada, 21 septembre 2020.
17. Justice Québec, Constats d’infraction – COVID-19 – R-90320, Québec, gouvernement du Québec, 2020.
18. BCF, «L’arbitrage des griefs», dans Collection de droit 2020-2021, École du Barreau du Québec, vol. 9, Droit du travail, Montréal, Éditions Yvon Blais,
2020, p. 288-289.
19. Teamsters Québec, local 1999 c. Exceldor Coopérative, usine de Saint-Bruno-de-Montarville (Guerda Eximat), 2020 QCTA 632.
20. Garda Security Screening Inc. c. IAM District 140 Shoker Grievance, 2020 OLAA 162.