Article publié dans le magazine L’Expertise – Juin 2021
Par Nathalie Côté
Conseillère à l’information
Dans leurs interventions, les policières et policiers doivent parfois avoir recours à la force. Différentes formations leur sont offertes pour éviter les incidents malheureux autant que possible. Derrière celles-ci, on retrouve le travail de Bruno Poulin, expert-conseil en emploi de la force à l’École nationale de police du Québec (ENPQ).
Quel est votre cheminement de carrière ?
À l’emploi de l’ENPQ depuis près de 30 ans, j’ai été successivement instructeur en intervention physique, coordonnateur en emploi de la force et, depuis 2008, je suis expert-conseil en emploi de la force. Je suis également reconnu comme témoin expert devant les différentes instances juridiques au Québec.
Je suis qualifié notamment pour l’enseignement des différentes armes à feu, armes d’impact intermédiaire à projectiles, armes à impulsions électriques, armes intermédiaires, mais aussi des techniques en intervention physique, en intervention tactique, en maintien et rétablissement de l’ordre, en désescalade et en communication tactique.
Quelles ont été vos études?
J’ai d’abord obtenu en 1988 un baccalauréat en sciences de l’activité physique de l’Université de Sherbrooke, option enseignement. Puis, j’ai suivi un cours d’instructeur en principes et techniques d’intervention physique à l’ENPQ. Ensuite, en 2014, j’ai obtenu une maîtrise en apprentissage moteur. Le titre de mon mémoire était La nature du feedback et de ses effets sur la performance au tir au pistolet.
En quoi consiste votre travail?
Mon rôle est avant tout de développer et promouvoir les bonnes pratiques en emploi de la force pour les intervenants en sécurité publique. J’assure un rôle d’orientation et de supervision dans la conception de tout le matériel pédagogique relatif au domaine de l’emploi de la force. De plus, j’expérimente et j’évalue les nouveaux équipements, techniques et méthodes afin d’émettre des recommandations quant à leur application et leur utilisation.
Par exemple, lorsque les armes à impulsions électriques (Taser) sont apparues, j’ai suivi des formations avec des instructeurs aux États-Unis. Ensuite, j’ai participé à un comité qui réunissait notamment des représentants de différents corps de police et des universitaires. Le mandat de ce comité était de mener des travaux afin d’établir des directives sur la manipulation des pistolets et leur utilisation judicieuse. J’ai également collaboré activement à la formation des instructeurs.
Quel est l’impact de votre travail sur la population?
L’objectif est de réduire le nombre d’incidents lors des interventions policières. Nous voulons enseigner aux policiers et autres membres du personnel de sécurité publique les techniques les plus sécuritaires possibles, autant pour eux que pour le public.
Par ailleurs, mon rôle à titre de témoin expert me permet aussi d’éclairer les juges, les coroners et les différentes commissions d’enquête, et de faire évoluer les bonnes pratiques. Par exemple, je peux proposer aux coroners des pistes d’amélioration pour protéger la vie humaine.
Quels sont les principaux enjeux auxquels vous faites face?
Le grand défi dans les bonnes pratiques en utilisation de la force est de trouver un équilibre entre la sécurité et l’acceptabilité sociale des techniques. Il y a aussi tout un défi de vulgarisation et de transfert des connaissances auprès du grand public. Une arrestation où l’utilisation de la force est nécessaire, ce n’est jamais élégant, et c’est généralement mal perçu.
Par exemple, si on voit cinq policiers intervenir auprès d’une personne, le grand public peut avoir l’impression que c’est un usage excessif de la force en raison du nombre. En réalité, lors de telles interventions, chacun des cinq policiers a un rôle bien précis pour minimiser autant que possible le risque de blesser la personne. En pareilles circonstances, sauf exception, ce type d’intervention est réputé comme étant plus sécuritaire autant pour le citoyen que pour les policiers impliqués, puisqu’il diminue le risque d’escalade de moyens qu’un policier seul pourrait avoir à utiliser pour parvenir à maîtriser la situation. Il y a beaucoup de mythes souvent alimentés par le cinéma. Mon rôle m’appelle parfois à devoir déconstruire ces croyances, qui viennent teinter la perception du public.
Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre travail?
C’est d’avoir le mandat d’être toujours à l’affût des bonnes pratiques et de l’évolution de la criminalité ici et ailleurs dans le monde. Je dois aussi me tenir à jour par rapport à la jurisprudence dans mon domaine. Je dois également suivre l’avancement des connaissances afin de contribuer à former les policiers de la meilleure façon possible. Au Québec, nos standards sont élevés et rigoureux, et je suis fier d’y contribuer.
Comment pensez-vous que votre travail va évoluer dans les prochaines années?
Je crois que la réalité virtuelle va être de plus en plus utilisée à l’entraînement. Cela permettra de faire beaucoup de mises en situation dans un contexte plus authentique, c’est-à-dire le plus près possible des réalités terrain. C’est un bon défi technologique. Je pense aussi que nous serons amenés à voir de plus en plus de caméras corporelles.