Par Marie-Pier Bernard, conseillère à la vie syndicale
Consacrer plusieurs heures aux soins d’une personne malade ou âgée est le lot de plusieurs travailleuses et travailleurs.
Leur contribution fondamentale a officiellement été mise de l’avant par le gouvernement du Québec dans le cadre du projet de loi 56. Adopté en octobre 2020, il vise à reconnaître les personnes proches aidantes et à modifier diverses dispositions législatives. Il s’agit du tout premier projet de loi dédié aux personnes proches aidantes dans l’histoire du Québec! Ce dernier s’accompagne d’une Politique nationale et d’un plan d’action gouvernemental pour répondre aux besoins des personnes proches aidantes du Québec.
Qu’est-ce qu’une personne proche aidante? Selon le projet de loi 56, c’est « toute personne qui, de façon continue ou occasionnelle, apporte un soutien significatif à un membre de son entourage qui présente une incapacité temporaire ou permanente et avec qui elle partage un lien affectif, qu’il soit familial ou non ».
Ces personnes seront de plus en plus sollicitées au cours des années à venir. En effet, la proche aidance est une réalité en progression — même en accélération — compte tenu du vieillissement de la population, du phénomène de désinstitutionnalisation et du transfert des responsabilités relatives aux services publics de santé vers les familles, signalent Mélanie Gagnon, conseillère en relations industrielles agréée, et Catherine Beaudry, conseillère en ressources humaines agréées.
Les personnes qui, en plus du rôle de proche aidance, prennent soin d’au minimum un enfant d’âge mineur appartiennent à la « génération sandwich », ajoutent-elles. Autrement dit, elles vivent une double pression générationnelle : leurs parents vieillissants et leurs enfants. À cela s’ajoute bien souvent un emploi rémunéré.
C’est ainsi que s’orchestre une conciliation famille-travail-soins souvent variable en fonction du sexe. En effet, les Québécoises sont plus nombreuses (57,5 %) que les Québécois (42,5 %) à agir à titre de proches aidantes. Même si les hommes peuvent endosser ce rôle, les femmes fournissent une aide différente de celle de leurs homologues masculins, constatent Mme Gagnon et Mme Beaudry. Par exemple, les femmes sont plus susceptibles de fournir des soins personnels et les hommes de faire l’entretien de la maison (rénovations, réparations, etc.) et des travaux extérieurs. Le clivage des stéréotypes sexuels sont bien présents!
Selon elles, la division sexuelle du travail de proche aidance empiète davantage sur la vie des femmes. Les soins personnels doivent être faits à heures fixes et régulièrement tandis que les tâches de maintenance de la maison et du terrain peuvent être réalisées à des heures variables, selon la convenance. De plus, les tâches effectuées par les femmes occupent une charge mentale quotidienne plus importante (par exemple, l’organisation de rendez-vous et le soutien émotionnel).
Comme le poids de la proche aidance a des conséquences plus importantes dans l’organisation du temps de vie des femmes que dans celle des hommes, celles-ci doivent jongler avec des responsabilités de conciliation de plus en plus grandes. Les femmes sont plus susceptibles de vivre un conflit entre les divers rôles qu’elles assument. Cela complique leur vie professionnelle (retards au travail, recherche d’un emploi moins exigeant, réduction hebdomadaire des heures de travail, refus de promotion ou d’un nouvel emploi, etc.) et elles ont moins de temps pour leurs activités personnelles ou tout simplement pour passer du temps avec leurs proches.
Depuis peu, la Loi sur les normes du travail permet aux personnes employées de bénéficier de quelques mesures de conciliation, mais elles sont insuffisantes. Il faut, à l’aide de mesures structurantes, leur offrir un réel support et une qualité de vie tenant compte des réalités et des contextes variés dans lesquels les personnes proches aidantes exercent leur rôle.