Après-pandémie et télétravail – Les défis du retour au bureau

14 décembre 2021

Article publié dans le magazine L’Expertise – Décembre 2021

Par  Christine Joyal, conseillère à l’organisation du travail
et Etienne Blanchette, conseiller à l’organisation du travail

Le télétravail était un mode d’organisation du travail déjà convoité avant la pandémie, et ce, pour plusieurs raisons : conciliation travail-famille, diminution du temps de transport, etc. Les professionnelles et professionnels demandaient la possibilité de télétravailler depuis longtemps. D’ailleurs, selon un récent sondage du SPGQ (novembre 2020), 94 % des répondantes et répondants désirent que ce mode de travail demeure, du moins en partie. Après un an et demi de télétravail obligatoire pour plusieurs, les défis du retour au bureau sont nombreux.

PRÉVOIR POUR UNE ADAPTATION EN DOUCEUR

L’annonce de la pandémie a été un choc et la situation a néces­sité une adaptation rapide, ce qui fut difficile et complexe pour de nombreuses personnes. Aujourd’hui, il est possible de pré­voir les défis du retour sur les lieux de travail et, donc, de s’assu­rer que celui-ci se fasse en douceur, car, évidemment, une adaptation sera encore nécessaire.

Plusieurs de ces défis sont liés aux modalités du télétravail (p. ex., les lieux de télétravail, l’équipement fourni ou le rem­boursement des dépenses, la gestion de la santé et de la sécurité des personnes à distance, la gestion de la prestation de travail) ainsi qu’à l’application des différentes lois du tra­vail en contexte de télétravail. D’autres défis sont en lien avec l’organisation du travail pour les personnes présentes au bureau qui devront composer avec des collègues à la maison. Certains de ces enjeux sont d’ailleurs traités dans d’autres articles de ce numéro.

POLITIQUE-CADRE DE TÉLÉTRAVAIL : DEMANDES D’AMÉNAGEMENT

Le télétravail faisant partie intégrante des conditions de travail, il est essentiel que l’employeur en négocie les modalités avec le SPGQ. Toutefois, le Secrétariat du Conseil du trésor (SCT) a déposé une Politique-cadre en matière de télétravail pour le personnel de la fonction publique (nommée ci-après « politique-cadre »), dont l’entrée en vigueur est prévue en janvier 2022, avant qu’une entente entre les parties ne soit intervenue. Il est donc à prévoir que certaines personnes tenteront d’obtenir des aménagements particuliers à la pièce.

Puisque la pandémie a démontré que le travail était réalisable à dis­tance pour de nombreux corps d’emplois, plusieurs personnes professionnelles estiment que l’employeur devrait permettre ce mode de travail à temps plein. Dans certains cas, le gestionnaire a accepté d’embaucher des personnes qui résidaient loin du lieu de travail puisque le télétravail était possible à 100 %. Or, la politique-cadre déposée par l’employeur prévoit un nombre maximal de trois jours par semaine en télétravail. Cela poussera certaines personnes à soumettre des demandes d’aménage­ment particulier afin de demeurer en télétravail plus de trois jours par semaine et même tous les jours. D’autres souhaiteront varier ou modifier les journées de télétravail fixées, ce que la politique-cadre ne permettrait pas.

Des demandes d’aménagement particulier risquent également d’être faites quant au lieu de télétravail. Bien que la poli­tique-cadre prévoie un seul endroit possible pour télétravailler, certaines personnes demanderont assurément de travailler à partir de leur chalet, de la maison d’un membre de leur famille ou même d’un endroit réservé pour les vacances dans une autre région ou même un autre pays.

Vraisemblablement, des enjeux d’équité seront soulevés si l’em­ployeur accorde des aménagements particuliers à la pièce. Les éléments d’application de la politique-cadre devraient être convenus avec le SPGQ, puis clairement définis au sein de cha­cun des ministères et organismes, en fonction de leur réalité. Les balises devraient permettre une certaine souplesse, mais être appliquées de manière équitable.

NOUVEAUTÉ DU MODE HYBRIDE

Plusieurs personnes seront en télétravail, tandis que d’autres seront au bureau. Cette situation apportera son lot de nou­veaux défis, notamment pour les réunions. Selon certains témoignages, le télétravail a occasionné une augmentation du temps de réunion de plusieurs personnes professionnelles. Ces réunions se déroulent actuellement en mode virtuel, mais des défis logistiques se poseront lorsque certaines personnes seront présentes au bureau et d’autres pas. Le manque de salles de réunion et de bureaux fermés pourrait rapidement devenir problématique.

L’employeur devra tenir compte de cette nouvelle réalité. Il s’avérera nécessaire d’offrir un environnement de travail et des outils qui permettront de tenir des réunions entre des personnes présentes au bureau et d’autres qui assisteront à distance à la rencontre.

L’APRÈS-PANDÉMIE, VRAIMENT ?

Plusieurs estiment que la pandémie est derrière nous, car une partie importante de la population est désormais vaccinée. Tou­tefois, l’incertitude liée aux variants, à l’augmentation des cas, à la réduction de certaines mesures sanitaires et autres génère des questionnements quant à la réelle sortie de crise. Certaines personnes hésiteront donc à retourner travailler au bureau.

L’employeur, comme les délégations syndicales, devra gérer la perception du risque, qui s’avère différente d’une personne à l’autre. Certaines seront très respectueuses des règles sanitaires, tandis que d’autres le seront moins ou verront le retour au bureau comme une occasion de renouer avec des activités sociales entre collègues.

L’employeur devra aussi considérer que certaines per­sonnes vivent avec des conditions de santé particulières (personnes immunosupprimées, enceintes ou vivant avec une personne âgée, etc.) qui les rendent plus à risque de présenter une forme grave de la maladie. La vaccination d’une partie importante de la population ne signifie donc pas la fin des mesures sanitaires. Celles-ci devront être maintenues afin d’éviter les possibles éclosions en milieu de travail, car le virus circule toujours.

D’abord, le SPGQ et le SCT devront s’entendre sur les modalités du télétravail. Ensuite, l’employeur devra discuter localement avec la délégation syndicale pour convenir de l’application de cette politique-cadre, et ce, pour chaque milieu de travail. En ce sens, les comités ministériels de relations professionnelles (CMRP) et le comité de relations professionnelles (CRP) devront échanger régulièrement sur le sujet. D’ailleurs, chaque employeur devrait convenir avec la délégation syndicale des modalités de retour au travail ainsi que des modalités d’applica­tion de la Politique-cadre en matière de télétravail.

Au moment d’écrire ces lignes, le plan de retour au bureau venait d’être reporté d’un mois et un grief a été déposé (voir l’encadré) pour contester la politique-cadre proposée par le SCT. Ces sujets n’ont donc pas fini de faire couler de l’encre.