Journée de la langue française – Célébrer ou se résigner ?

Les Journées des langues aux Nations Unies sont nées en 2010 pour célébrer le multilinguisme et la diversité culturelle. La date de la Journée de la langue française a été choisie en référence au 20 mars 1970, qui marque la création d’une instance devenue l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Le 20 mars marque également les célébrations de la Journée internationale de la francophonie.

Au su et vu de l’actualité linguistique récente au Québec, les motifs de célébrer la langue de Molière, de Victor-Lévy Beaulieu, d’Amélie Nothomb et de tant d’autres « sculpteurs » de notre expression francophone semblent aussi mince qu’un papier à cigarettes. Si je fais ici référence aux volutes, ce n’est pas pour créer un effet de style, mais plutôt parce que plusieurs pans de notre francité semblent partir en fumée.

Celles et ceux ayant lu la chronique de Jean-François Lisée du 29 janvier 2022 (Le graphique du déclin) ont pu prendre le pouls d’un funeste constat à partir d’un graphique élaboré par l’auteur Frédéric Lacroix. La proportion des immigrants qui disent ne pas maîtriser le français à leur arrivée au Québec est passée de 42 % en 2015 à presque 50 % en 2019. Guère plus réjouissante est la part des étudiants étrangers dont l’ignorance du français a évolué de 35 % en 2014 à 43 % en 2019.

À l’automne 2021, difficile de ne pas être tombé en bas de sa chaise en écoutant les propos du président-directeur général d’Air Canada, Michael Rousseau. Dans un discours prononcé uniquement en anglais devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, M. Rousseau a candidement déclaré : « j’ai été capable de vivre à Montréal sans parler français et je pense que c’est tout à l’honneur de Montréal ». Parions que le patron de la plus grande compagnie aérienne du Canada, qui vit pourtant au Québec depuis 14 ans, ne soufflera aucune chandelle pour célébrer le 20 mars…

Si l’on peut saluer la décision du gouvernement de faire marche arrière avec le financement de 100 millions $ pour l’agrandissement du Collège Dawson (le plus grand cégep du Québec est anglophone !), ne s’agit-il pas ici d’un calcul purement électoraliste visant à rallier le vote francophone et nationaliste ? Quoi qu’il en soit, ce n’est pas en torpillant ce projet que progressera le rayonnement de la langue française au Québec, tout comme l’agrandissement des hôpitaux au Québec n’améliore en rien l’accessibilité aux soins de santé.

Le portrait du français au Québec semble donc catastrophique, mais plutôt que de déchanter, nous pouvons nourrir l’espoir que le projet de loi n° 96 – Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français – saura colmater quelques brèches importantes.

Au sein de ce projet de loi, nous pouvons d’ores et déjà accueillir favorablement la création d’un poste de commissaire à la langue française, d’une politique linguistique de l’État, du renforcement du statut du français comme seule langue officielle de l’État, de la consolidation du français comme langue de travail, d’une meilleure protection de l’exercice des droits linguistiques fondamentaux des Québécois, des efforts accrus en matière de francisation, sans parler du devoir d’exemplarité linguistique.

Certes, la perspective du déclin du français au Québec peut nous angoisser, mais le foisonnement actuel d’idées et d’initiatives pour prévenir le déclin de notre langue n’est-il pas en lui-même porteur d’espoir ? Au fil de plus de 400 ans d’histoire, les Québécois se sont avérés plutôt doués pour surmonter des causes soi-disant perdues. Nul doute que leur langue – cœur vibrant de leur identité – n’échappera pas à cette pugnace volonté de survie.

Line Lamarre
Présidente