Revenu Québec : quand négocier rime avec appauvrir

4 mars 2022

À l’aube de la période des impôts, le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) est outré par l’offre salariale de Revenu Québec (RQ) faite à ses quelque 5 200 membres professionnels à l’emploi du fisc québécois. Dans un contexte de grave pénurie de main-d’œuvre où l’Agence du revenu du Canada (ARC) recrute en trombe au Québec avec des salaires alléchants, cette offre irrespectueuse n’améliorera en rien la perception selon laquelle RQ n’est qu’un club-école pour l’ARC, qui n’a cure de l’attraction et de la rétention de son personnel.

Avant la pandémie, un professionnel de RQ devait idéalement s’établir à l’ouest du canal Rideau pour espérer travailler à l’ARC. Désormais, point n’est besoin d’habiter une ville où se trouve un bureau du fisc canadien. Les possibilités de travail à distance permettent d’obtenir des postes intéressants partout au Québec. Les postes sont d’autant plus attrayants qu’ils peuvent s’accompagner d’une rémunération jusqu’à 30 % plus élevée que celle offerte à RQ, sans parler d’un régime de retraite indexé à 100 %, pour des emplois identiques à ceux de nos membres.

L’offre salariale de RQ (2 % par an en 2020, 2021 et 2022) pour le renouvellement de la convention collective de ses professionnels demeure donc incompréhensible alors que l’inflation avoisine 5 %. Aussi bien dire qu’il s’agit d’une invitation à s’appauvrir !

L’autonomie qui découle du statut d’agence aurait dû permettre l’élaboration de conditions de travail attrayantes pour TOUS les employés de RQ. Or, les professionnels en font les frais depuis 11 ans : non seulement ont-ils perdu leur mobilité au sein de l’administration publique, mais l’employeur leur propose toujours et encore des salaires non concurrentiels. Si RQ souhaite ainsi pousser ses professionnels dans les bras de l’ARC, elle s’y prend à merveille !

De surcroît, la direction de RQ aime se bercer d’illusion en affirmant s’inspirer des meilleures administrations fiscales comme l’ARC, un employeur clairement en compétition avec RQ pour attirer les meilleures ressources et reconnu comme l’un des 100 meilleurs employeurs au Canada. Aux prises avec de nombreux départs et demandes de congé sans solde de ses professionnels, RQ ne peut guère aspirer à devenir une agence fiscale innovante.

Le personnel professionnel de RQ joue pourtant un rôle primordial dans le financement des programmes du gouvernement : il fournit des services essentiels en temps de pandémie et s’avère un acteur incontournable au redressement des finances gouvernementales. Les professionnels de Revenu Québec ont contribué significativement à la réduction du déficit budgétaire de l’avant-pandémie et à l’engrangement d’importants surplus budgétaires. En outre, c’est à l’expertise et au dévouement de ces femmes et de ces hommes que d’autres organismes et ministères de l’État québécois ont dû recourir pour traverser la crise de la COVID-19 afin d’accomplir leur mission.

RQ exige des Québécois qu’ils contribuent au maintien d’un système juste et équitable pour tous. Pourtant, la justice et l’équité sont absentes à l’interne avec, d’une part, la nette amélioration des conditions de travail des cadres et, d’autre part, l’appauvrissement programmé de son personnel professionnel. Pour toutes ces raisons, comment résister à l’envie de se moquer du slogan du 10e anniversaire de l’agence (« 10 ans à nous réaliser ») et ne pas succomber à la tentation de lui préférer « 10 ans à nous appauvrir » ?

Guillaume Bouvrette
Troisième vice-président
SPGQ