Femmes au SPGQ : une histoire parsemée de combats

Article publié dans le magazine L’Expertise – Avril 2018 – Édition spéciale 50e anniversaire, page 66.

Durant les 50 dernières années, plusieurs grandes luttes sociales ont été menées par le mouvement des femmes au Québec, dont le droit à l’avortement, l’équité salariale, la lutte contre la violence conjugale, etc. Par son implication à l’Intersyndicale des femmes depuis 1979, le SPGQ a participé à cette mobilisation nationale. Parallèlement, il a aussi mené des luttes internes afin de faire reconnaître le droit des femmes sur différents enjeux, par exemple l’implication des femmes aux structures syndicales et la revendication de leur indépendance économique. L’histoire des luttes syndicales et des luttes sociales est indissociable puisque ces combats s’influencent mutuellement.

L’historique des femmes au SPGQ

Le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) a été créé en 1968. Ce n’est qu’en 1974 qu’une première femme, Nicole Lemay, a siégé au comité exécutif, à titre de deuxième vice-présidente. Il a fallu attendre 2003 pour que Carole Roberge devienne la première et unique présidente du SPGQ. Le 17 mars 1978 naissait le comité permanent de la condition féminine du SPGQ, succédant au comité provisoire créé le 18 novembre 1977.

Rencontre du Réseau des femmes, le 6 mars 1984

L’enjeu principal à l’époque consistait à contrer les stéréotypes sexistes alors que les décisions étaient prises par une majorité d’hommes. Il faut dire qu’à ce moment, l’effectif professionnel ne comptait que 13,7 % de femmes, comparativement à 55,3 % actuellement. De plus, malgré leur faible présence relative, les femmes professionnelles étaient concentrées dans certains corps d’emplois les moins bien rémunérés. Cette situation était annonciatrice d’une bataille mémorable, celle de la première cause portée par un syndicat à la Commission des droits de la personne pour dénoncer et faire corriger la discrimination salariale fondée sur le sexe.

Marche mondiale des femmes 2015 à Trois-Rivières, le 17 octobre 2015

En 1983, la dénomination du Syndicat a été modifiée en vue de la féminiser : notre organisation est devenue le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec. Le 14 décembre de la même année, Lise Courcelles est devenue la première conseillère syndicale au dossier des femmes et, en 1984, on a assisté à l’émergence d’un Réseau des femmes formé de déléguées de toutes les sections. En 1987, invoquant des contraintes budgétaires, le Syndicat a aboli le poste de conseillère au dossier des femmes et le Réseau des femmes. Le premier a été rétabli lors du congrès de 1991, alors que le second l’a été en 1998. Depuis, le SPGQ a participé à plusieurs actions féministes, dont la Marche du pain et des roses en 1995, la Marche mondiale des femmes (en 2000, 2005, 2010 et 2015), la Coalition en faveur de l’équité salariale, la Coalition pour la conciliation famille-travail-études, les rencontres annuelles d’ONU Femmes et toutes autres actions menées par l’Intersyndicale des femmes.

Dans l’objectif de consulter les professionnelles afin de discuter de leurs besoins et préoccupations, des états généraux sont organisés tous les quatre ans depuis 1992. Les professionnelles peuvent y formuler des recommandations qui détermineront les orientations à privilégier dans le cadre des travaux du comité des femmes. Lors des neuf dernières tenues des États généraux des femmes, les discussions ont porté, entre autres, sur l’organisation du travail, sur les droits parentaux, sur la conciliation travail- famille, sur la violence et le harcèlement, sur la discrimination sexuelle à incidence salariale et sur l’organisation de la vie syndicale. Les 10es États généraux se dérouleront à l’automne 2018.

Les petits déjeuners des femmes aux ADS

En 1994, le SPGQ a mis en place un Programme d’accès à l’égalité (PAÉ) syndical en réponse à la faible représentation des femmes dans les instances syndicales. Ce programme prévoit des mesures de redressement et de soutien afin d’atteindre la parité dans les instances syndicales et aux postes de conseillères syndicales. À cela se sont ajoutés les Petits déjeuners des femmes à l’occasion de chaque assemblée des déléguées et délégués syndicaux, où les échanges contribuent, notamment, à consolider les liens entre les déléguées.

Le dossier de la plainte

Au SPGQ, ce qu’on allait appeler « le dossier de la plainte » a été sans doute le plus controversé et le plus déchirant dossier en condition féminine. Il s’agissait d’une plainte, la première en matière de discrimination salariale fondée sur le sexe, déposée en 1981 par le SPGQ à titre de mandataire et par des plaignantes individuelles auprès de la Commission des droits de la personne.

Bien que formant une nette minorité (moins de 20 % des membres du SPGQ), les femmes y étaient concentrées à quelque 40 % dans six corps d’emplois (diététiciennes, bibliothécaires, traductrices, travailleuses sociales, agentes culturelles et agentes d’information) associés à un stéréotype féminin et qui, « par hasard », se trouvaient confinés dans les deux dernières échelles salariales.

Le comité de la plainte était constitué d’une femme membre de chacun de ces corps d’emplois, soit de Lysette Trahan, diététicienne ; d’Andrée Ruel, agente culturelle ; d’Hélène Chouinard, traductrice ; de Jeannine Morin, bibliothécaire ; de Lucie Carrier, travailleuse sociale ; et de Chantal Roy, agente d’information. Le comité était coordonné par Colombe Cliche, agente d’information. En principe, il s’agissait d’un sous-comité du comité des femmes. Le comité de la plainte était reconnu par le conseil syndical et ses membres assistaient très régulièrement aux réunions de cette instance.

Après une première victoire en 1991 où 13 corps d’emplois ont bénéficié d’augmentations salariales, le comité de la plainte a vécu une déchirure avec le SPGQ. Puisque le SPGQ était manda- taire de la plainte, la Commission des droits de la personne a exigé que le Syndicat se retire de la plainte, sous peine de com- promettre l’entente de principe à laquelle avaient abouti les négociations pour l’ensemble du Syndicat. C’est ainsi que l’ADS s’est retirée de cette plainte en 1991, laissant ainsi les femmes du comité de la plainte sans ressource syndicale.

Par contre, ni la Commission ni le Syndicat ne pouvaient obliger les plaignantes à retirer leur plainte individuelle. Elles ont donc créé le Collectif de la plainte des professionnelles du gouverne- ment du Québec, dûment reconnu par la Loi sur les compagnies. De cette façon, elles ont profité du congrès de 1991 pour présenter une proposition demandant au Syndicat de continuer à financer la cause, mais sous la bannière d’un organisme indépendant, ce qui a été accepté par les membres.

Le 19 juin 1997, la Commission a reconnu que quatre des six corps d’emplois soumis à l’enquête se révélaient effectivement à prépondérance féminine et, de ce fait, avaient subi dans le passé une discrimination salariale (diététiciennes, bibliothécaires, traductrices et travailleuses sociales). L’entente conclue avec le Conseil du trésor a permis de dégager la somme de 1,3 million $ en compensation versée à tous les membres, femmes et hommes, de ces corps d’emplois pour la période de 1981, date du dépôt de la plainte, et en 1991, moment de l’ajustement salarial.

Pour le Collectif, cette entente correspondait aux principes fondamentaux d’équité et d’universalité, et a démontré qu’une lutte féministe peut profiter à une collectivité. En effet, depuis 1990, les résultats de cette lutte ont profité à un grand nombre de collègues, femmes et hommes, et ont continué de porter leurs fruits au fil des ans. Par ailleurs, la Loi sur l’équité salariale a été adoptée par le gouvernement en 1996, soit un an avant la victoire du Collectif.

Les luttes à venir

Afin d’assurer une réelle égalité entre les femmes et les hommes, le Syndicat doit toujours se retrousser les manches. En effet, les femmes sont encore sous-représentées dans les instances syndicales, et plusieurs inégalités demeurent entre les professionnelles et professionnels en fonction de leur lieu de travail. Par exemple, le Syndicat a fait remarquer en mai 2016 que la féminisation de certaines unités parapubliques s’est aussi conclue par une augmentation de l’écart salarial avec les autres corps d’emplois du milieu de travail. S’agit-il du prochain grand combat du SPGQ?

Le mouvement féministe aura aussi son lot de combats. L’Intersyndicale des femmes a identifié trois défis incontournables auxquels s’attaquer :

  • l’individualisation des problèmes et des solutions ;
  • le mythe de l’égalité déjà atteinte et, donc, la mise en place d’une réelle analyse différenciée selon les sexes ;
  • le recul du financement des programmes sociaux1.

Le SPGQ a une mission de défense collective. Il adhère à des principes de solidarité pour ses membres, mais aussi envers la population québécoise2. De grands défis l’attendent dans les années à venir.

Photo publiée dans le journal Dans la mêlée en 1991 pour souligner la création du Collectif de la plainte des professionnelles du gouvernement du Québec.

  1. Document du 40e de l’Intersyndicale des femmes.
  2. Statuts et règlements du SPGQ, p. 9.