Négociations : pourquoi et comment prioriser?

Article publié dans le magazine L’Expertise – Décembre 2022
Par Mathieu Mercier, Conseiller en relations du travail et à la négociation

« Choisir, c’est renoncer. » L’expression est assez répandue, particulièrement dans le contexte du renouvellement d’une convention collective. Tant du côté syndical que patronal, il est usuel de demander plus que ce que l’on souhaite. Même les tribunaux y ont souscrit en déterminant que le « jeu de la négociation » dicte que les parties exigent plus que nécessaire, évitant ainsi que le premier dépôt ne soit le dépôt final. Tout au long de la négociation, les parties devront donc « bouger » sur leur position, c’est-à-dire faire des contre-propositions ou retirer une demande, tout simplement.

Pourquoi le faire?

Négocier nécessite donc de prioriser les demandes, en distinguant celles qui sont incontournables, celles qui seraient intéressantes à obtenir et celles dont on pourrait se passer.

Les demandes n’ayant pas toutes la même importance pour les membres, le comité de négociation devra les solliciter pour qu’elles soient priorisées une à une. Ensuite, le comité, soutenu par la personne conseillère, effectuera cette priorisation, puis déterminera le moment de « bouger » et avec quelles demandes le faire. Ainsi, consulter les membres sur leurs priorités outille le comité.

Dans le jeu de la négociation, la partie syndicale joue fréquemment la carte de l’entente de principe. Il s’agit d’une entente où elle s’engage à recommander aux membres d’accepter l’entente intervenue à la table de négociation.

La partie patronale sera plus encline à accorder plus de demandes à son personnel si cela permet de conclure une entente de principe. Or, si la priorisation est conforme à la volonté des membres, l’entente aura plus de chances d’être acceptée lors de l’assemblée générale des membres. Il est donc primordial de faire rigoureusement l’exercice de priorisation. Lorsque l’exercice est bien fait, il augmente le poids et l’influence de la partie syndicale à la table de négociation.

Cependant, il faut être conscient que le comité de négociation joue sa crédibilité dans cette entente de principe, tant auprès des membres que de la partie patronale.

Comment le faire ?

De façon générale, le comité de négociation réalise des sondages afin de recueillir les demandes et les priorités des membres. Il peut le faire lors de la rédaction du cahier de demandes, après l’avoir créé, ou même durant la négociation.

Cette démarche permet aux membres de faire connaître leurs priorités sur différents enjeux. Le sondage n’est qu’un moyen parmi d’autres de connaître les priorités des membres. Cela peut aussi passer par la tenue d’une assemblée, par exemple.

Une fois ces informations en main, le comité de négociation les collige, grâce à une analyse statistique, puis brosse le tableau des demandes les plus importantes pour le groupe.

Le contexte de négociation

Il faut se rappeler que le contexte de la négociation évolue sans cesse. Par exemple, il peut être influencé par la modification de la situation économique, politique ou sociale, ainsi que par un changement de dirigeant ou d’un membre de l’un ou l’autre des comités de négociation.

Si le contexte a évolué de manière significative, le comité de négociation pourrait avoir à redéfinir la priorisation des demandes effectuées précédemment. Par exemple, un taux d’inflation qui frôle les 8 % est assez significatif, tandis qu’un changement de gestionnaire de bas niveau au sein de l’organisation ne devrait pas, en théorie, avoir le même impact. S’il le juge approprié, le comité de négociation pourra distribuer un nouveau sondage aux membres pour mettre à jour la priorisation des demandes ou avoir recours à toute autre méthode jugée efficace.

Étant donné que l’objectif de la négociation est d’arriver à un règlement entériné par l’assemblée générale des membres, la priorisation doit tenir compte de l’aspect collectif de chaque demande. Cet élément doit donc être considéré dès le départ.

Par exemple, une augmentation annuelle de 10 % pour un petit nombre sera plus difficile à faire accepter qu’une augmentation de 3 % pour l’ensemble des membres. Néanmoins, une demande de correction d’une injustice subie par une minorité pourrait être formulée au même titre qu’une demande collective.

Conclusion

La priorisation des demandes dans le cadre du renouvellement de la convention collective est un exercice à la fois fondamental et complexe. En effet, ce dernier est nécessaire pour obtenir un règlement satisfaisant pour chacun des membres.

Après tout, c’est le mandat du comité de négociation, qui doit réaliser cet exercice le plus rigoureusement possible, en considérant l’ensemble des différents facteurs relatifs au contexte.