Actions politiques auprès des oppositions : partager ses inquiétudes afin qu’elles percolent en haut lieu

Article publié dans le magazine L’Expertise – Avril 2021

Par Émilie Beauchesne
Conseillère à la vie syndicale : dossier des femmes, PAE et comité sur la diversité

et Philippe Desjardins,
Conseiller à l’information

 

Une organisation syndicale utilise différents moyens pour faire connaître ses préoccupations : communiqués de presse, lettres d’opinion, publicités, actions sur le terrain ou rencontres avec des élus du gouvernement en place. Plus discrète en raison du jeu de coulisses qu’elle implique, mais parfois tout aussi efficace, l’action politique auprès des oppositions peut s’avérer une arme de poids pour offrir un écho à des inquiétudes dans le Saint des Saints, soit à l’Assemblée nationale. Retour non exhaustif sur un moyen utilisé à plusieurs reprises au cours d’une année 2020 qui a lourdement défié la normalité.

 

DISCRIMINATION SYSTÉMIQUE ENVERS LES FEMMES

Dans la foulée de l’envoi d’une lettre aux 125 députés de l’Assemblée nationale en novembre 2020 afin de les sensibiliser à la discrimination systémique envers les femmes dans la fonction publique et dans plusieurs organisations parapubliques, le SPGQ a pu s’entretenir en décembre avec Mme  Christine St-Pierre, députée du Parti libéral du Québec (PLQ) et porte-parole de l’opposition officielle en matière d’enseignement supérieur.

Tant dans sa lettre qu’auprès de Mme St-Pierre, la présidence du SPGQ a pu faire valoir que, dans les cégeps, notamment, l’écart de salaire entre les membres du personnel professionnel et les autres corps d’emplois a évolué en leur défaveur, au même rythme que la féminisation de leur profession. Par exemple, le salaire des conseillers pédagogiques, qui était traditionnellement supérieur, est désormais inférieur à celui des enseignants qu’ils doivent conseiller. La députée du PLQ a pu ainsi se familiariser avec ce véritable non-sens, qui entraîne d’importants problèmes d’attraction et de rétention dans l’administration publique.

 

PRIME ACCORDÉE AUX MÉDIATEURS ET CONCILIATEURS PAR LE MTESS

En novembre 2020, le SPGQ a fait connaître publiquement son rejet des conclusions d’un rapport d’enquête de la Commission de la fonction publique (CFP), qui jugeait déraisonnable et inéquitable une prime accordée aux médiateurs et conciliateurs par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS). Le SPGQ a fait valoir que ce qui est déraisonnable et inéquitable, c’est plutôt de creuser le retard salarial de l’ensemble du personnel de l’État québécois par rapport aux autres salariés québécois, et ce, depuis des décennies.

Sur ce dossier, le SPGQ a poussé le bouchon plus loin en informant M. Sylvain Gaudreault, député de Jonquière du Parti québécois (PQ), vice-président de la Commission de l’administration publique et porte-parole du troisième groupe d’opposition en matière de travail et aussi pour le Conseil du trésor. Ce fut aussi l’occasion de sensibiliser M. Gaudreault à la discrimination systémique dans le secteur public, de même qu’à l’expertise, l’attraction et la rétention des emplois des professionnelles et professionnels de la fonction publique, sans oublier les négociations en cours. Le député de Jonquière a pu se familiariser avec ces éléments et aussi les aborder lors d’une rencontre de la Commission des finances publiques à laquelle il a participé en novembre.

 

PLACE DE LA LANGUE FRANÇAISE EN MILIEU DE TRAVAIL

En octobre 2020, la présidence du SPGQ a pu s’entretenir avec M. Paul St-Pierre Plamondon, nouveau chef du PQ, au sujet de la place de la langue française en milieu de travail. Cette rencontre virtuelle faisait suite à une sortie médiatique du SPGQ où il déplorait l’absence d’action du ministre de la Justice et ministre responsable de la Langue française, M.  Simon Jolin-Barrette, pour rappeler aux employés des ministères et organismes du gouvernement du Québec que l’usage du français au travail doit primer. Le chef du PQ s’est montré sensible Émilie Beauchesne Conseillère à la vie syndicale : dossier des femmes, PAE et comité sur la diversité emilie.beauchesne@spgq.qc.ca Philippe Desjardins Conseiller à l’information philippe.desjardins@spgq.qc.ca 6 L’EXPERTISE Volume 17, numéro 2 – Avril 2021 aux arguments du SPGQ. Les astres ont semblé s’aligner, car, quelques jours plus tard, il lançait sa première motion comme chef du PQ visant à déclarer l’urgence linguistique à Montréal et à renforcer la Charte de la langue française (mieux connue sous le nom de Loi 101).

 

PROJETS DE LOI NOS 61 ET 60

En juillet 2020, M. Martin Ouellet, député de René-Lévesque et leader parlementaire du troisième groupe d’opposition, et Mme Line Lamarre, présidente du SPGQ, se sont entretenus, principalement sur le projet de loi no 61 (Loi visant la relance de l’économie du Québec et l’atténuation des conséquences de l’état d’urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19) et sur le projet de loi no 60 (Loi modifiant la Loi sur la fonction publique et d’autres dispositions).

Tandis que Mme Lamarre a évoqué les conséquences du projet de loi no 61 sur le travail des professionnels qui auront à travailler sur les quelque 200 projets (certains majeurs, dont ceux liés aux transports collectifs) et chantiers qui en découleront, M. Ouellet a reconnu les nombreuses zones grises de ce projet de loi.

En abordant le projet de loi no 60, Mme Lamarre a traité de la volonté manifeste du gouvernement de procéder à un délestage de l’État. Elle a évoqué à cet effet le transfert de professionnels du ministère de l’Économie et de l’Innovation vers Investissement Québec, de même que quelques éléments du projet de loi qui inquiètent le SPGQ. La création d’organismes dotés d’un conseil d’administration permet ce délestage, a indiqué Mme Lamarre, tout en offrant au gouvernement la possibilité de conserver une forme de contrôle. Elle a exprimé à M. Ouellet son souhait de faire des représentations à cet effet. M. Ouellet a conclu en souhaitant vouloir être le porte-parole des inquiétudes du SPGQ lorsque les travaux reprendront sur ces deux projets de loi.

 

PROJET DE LOI NO 61… ENCORE !

En juin, la présidence a rencontré virtuellement la co-porteparole de Québec solidaire  (QS), Mme  Manon Massé, et M. Vincent Marissal, député de Rosemont de QS et porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de finances, d’économie, de fiscalité, de revenu et aussi pour le Conseil du trésor. Sans surprise, le sujet de la rencontre concernait à nouveau le projet de loi no 61.

Lors de cette rencontre, Mme Lamarre a dit redouter un bar ouvert à la corruption et à l’assouplissement des critères environnementaux si le projet de loi était adopté. Si l’on veut accélérer la procédure environnementale pour le bienfait des entreprises, il suffirait d’engager plus de biologistes, plutôt que d’alléger les processus, a exprimé la présidente du SPGQ. Toujours selon elle, les professionnelles et professionnels de l’État sont les chiens de garde des services étatiques et de l’application des règles gouvernementales. Ils n’ont pas pour mandat d’assouplir les critères (environnementaux, notamment). Ils ne peuvent prendre de liberté avec les lois afin d’atteindre les objectifs du gouvernement dans la relance économique.

Il semble bien que le SPGQ et QS aient des atomes crochus sur ce sujet, car Mme Ruba Ghazal, députée de QS et porte-parole en matière d’environnement, ne s’est pas gênée à l’Assemblée nationale pour taxer le ministère de l’Environnement de « boniche » des promoteurs, alors que son rôle devrait davantage en être un de chien de garde de tous les Québécois.