Conflit au travail : comment éviter l’escalade?

Tous ont déjà vu, de près ou de loin, une situation banale prendre des proportions démesurées. Parfois, cela devient une guerre sans merci entre deux individus ou clans dans une équipe de travail. Comment éviter de se rendre jusqu’à une situation conflictuelle?

Malheureusement, les conflits sont répandus. Dans le Portrait statistique de la santé des personnes au travail 2015-2016 du Secrétariat du Conseil du trésor[1], 787 dénonciations ont été rapportées à l’intérieur de la fonction publique.

Différents types de conflits

Malgré la croyance populaire, la gestion d’un conflit va au-delà de régler la situation problématique entre deux individus ou deux groupes. Par définition, un conflit est composé d’un problème de fond ainsi que d’inflation conflictuelle. Autrement dit, il y a l’arbre et la forêt qui l’entoure.

Le problème de fond est généralement de l’une de ces trois natures :

Conflit de tâche : Situation où les parties ne s’entendent pas sur le travail à effectuer, sur les cibles à atteindre ou sur le livrable à rendre. Le manque d’information, la désinformation ou une collecte inadéquate de données peuvent accentuer le problème. Par exemple, un gestionnaire qui omet de formuler des attentes claires à ses employés pourrait générer ce genre de conflit.

Conflit de processus : Compréhension différente d’une façon de réaliser le travail, validation non réalisée ou qui semble superflue ou encore problème dans la répartition du travail. L’organisation et la structure de travail sont à considérer. Par exemple, des rôles et responsabilités mal définis, des bureaux inadéquats et des ressources insuffisantes peuvent aggraver la situation. Des changements organisationnels fréquents et mal planifiés en sont un bon exemple.

Conflit relationnel : Incompatibilité de personnalités ou de valeurs fondamentales et personnelles. Les conflits relationnels peuvent aussi être la conséquence d’incivilités ou de comportements mal perçus de la part d’un groupe ou d’un individu.

 

Évolution du conflit

Généralement, le conflit débute par un conflit de tâche ou de processus (phase de latence du conflit). Lorsqu’il est ignoré ou mal géré, il risque fort de dégénérer vers l’ajout d’une dimension relationnelle (phase de détérioration des relations).

Un conflit peut être géré avec une approche de résolution de problèmes, soit en prenant le temps de définir clairement les sources du problème, les intérêts, les besoins et les objectifs de chacune des parties impliquées afin de faciliter la recherche de solutions.

Trop souvent, les conflits ne sont pas gérés par l’employeur. Le syndicat intervient lors du dépôt de diverses plaintes, par exemple un grief de harcèlement psychologique. Dans ce cas précis, si l’employeur est intervenu, c’est souvent par une enquête procédurale ou par le dépôt de mesures disciplinaires (phase de coercition). À cette étape, on assiste souvent à un dialogue de sourds. Chacune des parties tente d’imposer son point de vue, plutôt que de rechercher des solutions durables aux problèmes. Rappelez-vous qu’à ce stade, les gens souffrent.

Heureusement, malgré le début d’une judiciarisation du conflit, il est encore possible de désamorcer une telle situation et d’éviter de se retrouver devant les tribunaux, grâce à l’aide des personnes conseillères du syndicat et de l’employeur.

 

Conduite à adopter

Mieux vaut agir tôt pour éviter de judiciariser un conflit. Voici la conduite que les personnes impliquées dans le conflit devraient adopter :

  • Prendre le temps de se calmer avant d’aborder le problème;
  • Amorcer une discussion dans un contexte détendu en prenant soin de ne pas interrompre les gens;
  • Éviter de revenir continuellement sur des sujets épineux et tenter de demeurer centré sur le sujet qui pose problème;
  • Ne pas tenter de trouver un coupable à tout prix;
  • Exprimer ses intérêts et ses besoins (ex. : besoin d’autonomie, d’être entendu, considéré et reconnu, de soutien, de ressources, d’information, etc.), mais aussi bien écouter les intérêts et les besoins de l’autre partie;
  • Être accompagné d’une personne qui saura écouter et mettre en valeur les intérêts et les besoins communs des parties;
  • Rester centré sur les objectifs à atteindre. Ces objectifs doivent permettre de clarifier les attentes et les perceptions en vue de rétablir un climat de travail sain pour tous. Les objectifs doivent être communs et chacune des parties doit être réceptive à écouter l’autre dans cet échange;
  • Inclure une personne neutre pour modérer les discussions. Lors d’une rencontre préalable à une mesure disciplinaire ou lors de l’imposition d’une telle mesure, exiger d’être accompagné d’une personne déléguée.

 

Au-delà des individus

Les organisations traitent souvent les conflits comme étant des mésententes et des problèmes liés aux individus. La littérature scientifique indique toutefois que des facteurs structurels et organisationnels peuvent être favorables au développement d’un climat de travail malsain.

Voici les principaux facteurs psychosociaux en cause, selon le Rapport québécois sur la violence et la santé de l’INSPQ[2] :

  • Demande psychologique (charge de travail);
  • Latitude décisionnelle (autonomie);
  • Soutien social des collègues et du supérieur;
  • Reconnaissance au travail;
  • Justice organisationnelle.

 

Une des clés du succès lors d’un conflit est donc de prendre un pas de recul pour être en mesure d’analyser l’ensemble du tableau. Il faut garder en tête que le conflit est rarement attribuable à une seule personne et se mettre à la recherche des sources véritables du conflit. Par exemple, des collègues pourraient se montrer compétitifs et médisants entre eux lorsqu’une rumeur d’abolition de postes court. Dans un tel contexte, le gestionnaire aura tout avantage à communiquer efficacement afin de faire cesser les comportements hostiles.

Si vous croyez qu’un diagnostic organisationnel préventif au sujet du climat de travail pourrait s’avérer nécessaire, communiquez avec votre conseiller à l’organisation du travail (fonction publique) ou avec votre conseiller en relations du travail (unités parapubliques) afin de déterminer les actions les plus appropriées à mener.

 

Article rédigé par Étienne Blanchette, conseiller à l’organisation du travail, avec la collaboration de Patrice Blackburn, conseiller aux relations du travail de la fonction publique et d’Anouk Frenette-Tremblay, conseillère aux relations du travail et à la négociation

Magazine L’Expertise – Mai 2020

 

 

[1] www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/publications/portrait_statistique_sante_travail_1516.pdf

[2] www.inspq.qc.ca/rapport-quebecois-sur-la-violence-et-la-sante