L’abc de la requalification après une invalidité

4 janvier 2021

Article publié dans le magazine L’Expertise – Décembre 2020

Par Jennifer Nadeau, avocate

et Mélanie Robert, conseillère en relations du travail et à la négociation

 

Une période d’invalidité entraîne des contraintes de toutes sortes et apporte son lot d’inquiétudes. Or, le retour au travail peut être anxiogène et susciter de nombreux questionnements pour les personnes employées. Vais-je réussir mon retour au travail? Que se passera-t-il si je dois m’absenter à nouveau après mon retour au travail? Pourrais-je prendre des vacances pendant ma période de retour au travail? Voici ce que vous devez savoir sur la période dite de « requalification » au régime d’assurance traitement.

L’ensemble des conventions collectives du SPGQ (fonction publique et organismes parapublics) contient des dispositions sur la période minimale devant être travaillée entre deux périodes d’invalidité pour bénéficier d’une nouvelle période d’assurance traitement.

 

Qu’est-ce que la « période de requalification »?

Il est particulièrement important de bien comprendre l’origine de cette disposition. Elle a été introduite dans les conventions collectives à l’aube des années 2000. Il s’agissait d’une revendication patronale en réponse à un enjeu en matière d’assurance traitement. En effet, l’employeur avait remarqué que certaines personnes employées, à l’expiration de leur période de prestation de 104 semaines, retournaient au travail une ou deux journées pour pouvoir bénéficier d’une nouvelle période de 104 semaines de prestation d’assurance traitement. Ainsi est né l’article 8-1.04 de la Convention collective des professionnelles et professionnels (L’ensemble des conventions collectives des organismes parapublics contient des dispositions similaires à celle de la fonction publique, avec certaines distinctions particulières).

Depuis, les personnes employées doivent, selon la durée de leur période d’invalidité, effectuer 15 ou 30 jours de travail à temps plein ou être disponibles pour un travail à temps plein avant de pouvoir bénéficier d’une nouvelle période d’assurance traitement d’au plus 104 semaines.

Dans les faits, la « période de requalification » correspond à la période minimale, entre deux périodes d’invalidité, pendant laquelle une personne employée doit travailler de manière effective à temps plein ou être disponible pour un travail à temps plein afin de démontrer sa pleine capacité à exercer son emploi. Dit autrement, c’est une période qui permet de démontrer que votre période d’invalidité est derrière vous et que vous êtes de nouveau en mesure de travailler.

L’exception à cette règle est liée à la démonstration par la personne employée que sa nouvelle invalidité est complètement étrangère à l’invalidité précédente. Par exemple, une personne employée reprend le travail après une invalidité de nature psychologique et, au cours de sa période de « requalification », elle est victime d’un accident de la route qui la rend invalide.

 

Est-ce que les jours de travail effectif à temps plein doivent être consécutifs?

L’article 8-1.04 n’indique pas explicitement que les journées de travail doivent être « consécutives ». Toutefois, l’interprétation jurisprudentielle fait en sorte que ces jours de travail doivent être effectués en continuité.

En effet, en 2018, dans l’affaire Syndicat de la fonction publique et parapublique c. Ministère des Transports, de la mobilité durable et de l’électrification des transports (2018 CanLII 72188), l’employeur prétendait que les jours de travail effectif devaient être faits en continuité et que toute interruption avait pour effet de « mettre le compteur à zéro », alors que le Syndicat prétendait que les jours de travail effectif n’avaient pas à être consécutifs. En s’appuyant sur une abondante jurisprudence, l’arbitre en est venu à la conclusion que les jours de travail doivent être effectués en continuité puisque l’objectif de la période de requalification est de « vérifier la capacité du salarié de retourner accomplir un travail effectif à temps plein et ainsi permettre de conclure à la fin de la période d’invalidité » (Ibid., p. 19).

En somme, selon la jurisprudence, l’expression « jours de travail effectif » signifie des jours de travail consécutifs qui peuvent être entrecoupés par des jours de congé hebdomadaire (p. ex. : samedi et dimanche) ou par des congés fériés (Ibid., p. 18).

 

Que signifie « disponibilité pour un travail à temps plein »?

Selon la jurisprudence, cette expression signifie que l’employeur doit pouvoir faire appel aux services de la personne employée sans que cet appel au travail soit conditionnel à une quelconque acceptation de la part de celle-ci (Ibid., p. 21). En ce sens, lors d’une période de vacances, la personne employée est considérée comme étant non disponible. À l’inverse, lors de congés sociaux (décès d’un proche), de libérations syndicales ou de mise à pied pour manque de travail, une personne employée devrait être considérée comme étant disponible pour effectuer un travail à temps plein (Ibid., p. 21).

 

Quelles sont les absences qui ont pour effet de « remettre le compteur à zéro »?

La prise d’une journée de congé pour cause de maladie aura pour effet d’interrompre le cumul des jours de travail effectif, à moins de démontrer que la cause de l’absence est totalement étrangère à l’invalidité précédente. Les jours de vacances auront également pour effet d’interrompre le cumul des jours de travail effectif, de même que la prise d’un congé sans solde. L’employeur n’étant pas en mesure de vérifier la capacité et l’aptitude de la personne employée à reprendre son travail à temps plein, la « période de requalification » devra être reprise du début.

Par exemple, Maryse reprend le travail à compter du 6 janvier 2020. Elle décide de prendre une journée de vacances le 9 janvier 2020. Le 10 janvier 2020, sa période de requalification repartira au « JOUR 1 ». N’eût été cette journée de vacances, la période de requalification de Maryse se serait terminée le 24 janvier 2020.

 

JANVIER 2020
Lun. Mar. Mer. Jeu. Ven. Sam. Dim.
6
JOUR 1
Début de la période de requalification
7
JOUR 2
8
JOUR 3
9
REMISE À ZÉRO
Vacances (maladie ou journée sans solde)
10
JOUR 1
La période de requalification commence à nouveau.
11 12
13
JOUR 2
14
JOUR 3
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JOUR 4
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JOUR 5
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JOUR 6
18 19
20
JOUR 7
21
JOUR 8
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JOUR 9
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JOUR 10
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JOUR 11
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JOUR 12
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JOUR 13
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JOUR 14
30
JOUR 15
Fin de la période de requalification
31

 

 

Quels sont les impacts d’une rechute au cours de la période de requalification?

Si une personne employée doit s’absenter en maladie pendant sa période de requalification, l’employeur continuera de verser les prestations d’assurance traitement restante jusqu’au maximum de 104 semaines, à moins que la nouvelle absence ne soit due à une cause complètement étrangère à son invalidité initiale. Dans un tel cas, une nouvelle période de prestation de 104 semaines sera possible.

 

Quelles sont les absences qui n’ont pas pour effet de « remettre le compteur à zéro »?

La jurisprudence considère une personne employée comme étant « disponible pour effectuer un travail à temps plein » lors de libérations syndicales, de congés sociaux ou encore de mise à pied pour manque de travail. Ces journées devraient donc être comptées dans le délai de requalification à l’assurance traitement.

Par exemple, Jacques reprend le travail à compter du 6 janvier 2020. Le 9 janvier 2020, celui-ci doit se rendre à un conseil syndical. La période de requalification de Jacques se terminera le 24 janvier 2020 puisqu’il est considéré comme « disponible pour un travail à temps plein » lors de sa journée de libération.

 

JANVIER 2020
Lun. Mar. Mer. Jeu. Ven. Sam. Dim.
6
JOUR 1
Début de la période de requalification
7
JOUR 2
8
JOUR 3
9
JOUR 4
Congés sociaux, libérations syndicales, mise à pied
10
JOUR 5
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13
JOUR 6
14
JOUR 7
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JOUR 8
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JOUR 9
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JOUR 10
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JOUR 11
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JOUR 12
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JOUR 13
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JOUR 14
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JOUR 15Fin de la période de requalification
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Des questions?

Avant de vous absenter au cours de votre période dite de « requalification », validez auprès des ressources humaines de votre ministère ou organisme la manière dont elles entendent traiter votre absence. Il est également prudent de demander une réponse écrite. En cas de doute, communiquez avec une personne conseillère en relations du travail.