L’ABC DU GRIEF

En milieu de travail, la règle d’or est « obéis maintenant et plains-toi après », issue du dicton anglophone bien connu « obey now, grieve later». Toutefois, ceci ne signifie pas que vous devez accepter que vos conditions de travail négociées ne soient pas respectées par votre employeur.

Si vous constatez ou croyez qu’une de vos conditions de travail n’est pas respectée et que les échanges avec votre employeur n’apportent pas les rectifications nécessaires à la situation, vous pouvez avoir recours à la procédure de grief.

Quels sont les étapes et les rôles et responsabilités de chacun en fonction de la procédure prévue à votre convention collective? Voyez ce à quoi vous attendre.

 

LES ÉTAPES PRÉALABLES: LES TENTATIVES DE RÈGLEMENT À L’AMIABLE

Avant la formulation d’un grief, vous devriez consulter les dispositions applicables de la convention collective. Cette consultation s’effectue généralement auprès de votre délégué syndical, qui pourra, s’il le juge nécessaire, obtenir le soutien d’un conseiller en relations du travail pour toute question relative à l’application ou à l’interprétation de la convention collective.

La seconde étape est la discussion avec votre supérieur immédiat. Vous pourrez, à ce moment, lui exposer certains éléments d’information et des explications qui pourraient l’éclairer, voire l’amener à changer sa décision à votre satisfaction. Évidemment, si la cause de votre grief est liée directement à une relation conflictuelle et tendue avec votre supérieur immédiat, il est parfois préférable de ne pas échanger sur le litige afin de ne pas envenimer la situation.

Si votre supérieur immédiat refuse de changer sa position, vous pouvez alors entamer les démarches pour déposer un grief.

 

LE GRIEF

Le dépôt du grief est l’étape ultime pour tenter de régler le problème. Dans la plupart des conventions collectives, le délai pour procéder au dépôt du grief est de 30 jours à compter de l’événement, sauf dans le cas de harcèlement psychologique, pour lequel le délai est de deux ans. Vous devriez tout de même vérifier ce délai dans votre convention collective.

En effet, bien que la plupart des conventions collectives mentionnent que le délai est de 90 jours, la Loi sur les normes du travail1 a été modifiée en juin 2018 afin de prolonger ce délai. Vous pouvez demander un formulaire de grief à votre délégué syndical ou à votre direction des ressources humaines, et ce, pour les différents ministères et organismes de l’unité fonction publique. Pour les unités parapubliques, les membres peuvent s’adresser à leur délégué ou à leur conseiller syndical.

Vous devez déposer votre grief au représentant de l’employeur indiqué dans votre convention collective et en transmettre une copie au SPGQ accompagnée de la preuve de signification à votre employeur. Dès son dépôt, le grief est attribué à une personne conseillère qui prendra en charge son traitement et en évaluera le degré de priorité. À titre d’exemple, les griefs de congédiement ou de harcèlement psychologique seront traités plus rapidement qu’un grief dont le dommage est circonscrit, comme le refus de rembourser une heure de rappel au travail.

 

LE LIBELLÉ DU GRIEF

Les grands principes pour la rédaction d’un grief sont les suivants :

  1. indiquer les articles de la convention collective ou les articles de lois applicables;
  2. dénoncer brièvement la situation problématique;
  3. exposer clairement la réparation exigée, autrement dit la réclamation.

La réparation demandée est très importante puisque, ultimement, l’arbitre de grief devra se limiter à ce qui est réclamé.

Il est fortement recommandé de consulter les délégués et les conseillers syndicaux en relations du travail pour vous accompagner dans la rédaction du grief.

 

LE CHEMINEMENT DU GRIEF À LA SUITE DE SON DÉPÔT

Pour les griefs concernant l’unité fonction publique, une rencontre d’échange d’informations et de documents est tenue dans les 180 jours suivant la présentation du grief. Cette rencontre réunit le conseiller syndical responsable du grief et un représentant de l’employeur. Elle a pour but d’échanger toute l’information relative au litige qui oppose les parties. À cet effet, une liste des documents qui seront produits dans le cadre d’un éventuel arbitrage doit être produite par chacune des parties. L’échange de cette liste est une procédure applicable seulement à l’unité fonction publique. Ce délai peut être prolongé ou suspendu dans certaines circonstances, notamment pour des motifs d’invalidité.

En ce qui concerne l’ensemble des unités parapubliques, la plupart des conventions prévoit également une rencontre d’échange entre le représentant syndical et le représentant patronal dans des délais qui varient. Ces rencontres permettent de bien comprendre les positions respectives, de donner les explications nécessaires et, idéalement, de trouver un terrain d’entente pour le règlement du grief.

Dans l’éventualité où aucune entente n’intervient, l’inscription du grief à l’arbitrage n’est pas un automatisme. En effet, selon les informations obtenues à la suite des échanges avec le représentant de l’employeur et le plaignant, le conseiller syndical conviendra de la stratégie à adopter. Il procédera à l’analyse du grief en effectuant les recherches et consultations nécessaires. Voici les principes qui doivent guider le traitement accordé aux griefs, comme stipulé à l’article 2.3 du règlement numéro 8 des statuts et règlements du SPGQ:

« Le grief appartient au Syndicat et la prise en charge des griefs est confiée au comité des griefs formé par le conseil syndical. Les responsabilités du Syndicat sont, notamment, d’évaluer les fondements du grief, de définir les stratégies de défense et de choisir ses assesseures, assesseurs et personnes conseillères juridiques. Il appartient au Syndicat de décider s’il y a lieu de porter un grief en arbitrage ou plutôt d’accepter une proposition de règlement ou, en dernier recours, de s’en désister. Le Syndicat a également pour responsabilité de recourir à tout mode alternatif de règlement des litiges lorsque les circonstances le permettent.»

 

Bien que le devoir de juste représentation soit inscrit dans les statuts et règlements du SPGQ, il découle directement du Code du travail. En raison du monopole de représentation qui appartient au syndicat, celui-ci est l’unique décideur en ce qui a trait au grief. Cela signifie que le conseiller syndical pourrait accepter une proposition de règlement sans votre assentiment s’il juge, après avoir procédé à une analyse sérieuse de tous les faits entourant le dépôt du grief, que le règlement est dans le meilleur intérêt de toutes les parties. De la même façon, il pourrait prendre la décision de se désister du grief s’il juge que les chances de succès sont faibles.

Dans le cas d’un désaccord entre la position prise entre le représentant syndical et la vôtre, une contestation est possible devant le comité des griefs. Après avoir entendu le membre et le conseiller responsable du dossier, ce comité évaluera la validité de la décision du conseiller et établira de façon définitive si celle-ci doit être maintenue ou infirmée. En certaines circonstances, le grief pourrait être retourné pour traitement au conseiller en relations du travail.

Le temps nécessaire pour passer à travers le processus peut varier énormément, notamment en fonction de la nature du problème. Les délais pour aller en arbitrage sont souvent aussi très longs étant donné le nombre de jours limité où il est possible d’entendre des causes chaque mois. En moyenne, le règlement d’un grief prend deux ans et demi au Québec.

Dans la majorité des cas, l’arbitrage n’est pas la solution pour régler un grief. Contrairement à la judiciarisation du dossier, laquelle peut envenimer les relations entre les parties, une approche de médiation permet de trouver des solutions plus rapides, concrètes et personnalisées. Lorsqu’une solution négociée permet de résoudre le litige, c’est généralement à la satisfaction de tous. La collaboration entre la personne conseillère et vous demeure essentielle tout au long du processus; elle constitue le gage d’un traitement optimal du grief.

 

1. Loi sur les normes du travail, L.R.Q, chap. N-1.1.

 

Article rédigé par Marie-Josée Garand, conseillère en relations de travail et en négociation fonction publique, et Jennifer Nadeau, avocate

Magazine L’Expertise – Septembre 2019