Réforme de la Loi 101 – Retour sur les actions et prises de position du SPGQ

Article publié dans le magazine L’Expertise – Juin 2021

Par Philippe Desjardins, conseiller à l’information

 

Le mois de mai 2021 pourrait être reconnu comme celui de la langue française au Québec. Coup sur coup, le SPGQ a accueilli positivement le projet de loi no 96 déposé le 13 mai par le ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, visant à réformer la Charte de langue française et à assurer la pérennité du français au Québec. Il a aussi perçu l’annonce du 6 mai comme une avancée significative réaffirmant la préséance du français comme langue de travail avec l’entrée en vigueur, en 2022, de l’article 1 de la Loi modifiant la Charte de la langue française adoptée en 2002. Voici un retour sur les actions et prises de position du Syndicat qui, depuis plusieurs mois, plaide pour que le français soit décrété comme langue officielle de travail au Québec.

 

PARTENAIRES POUR UN QUÉBEC FRANÇAIS

À la fin de janvier, le SPGQ a joint les rangs de la coalition Partenaires pour un Québec français (PQF). Cette table de concertation, regroupant 10 organisations civiles et syndicales, milite pour faire du français la véritable langue commune et officielle du Québec.

La coalition s’est dotée d’une plateforme proposant 54 recommandations pour résoudre tous les problèmes identifiés dans la Charte de la langue française et pour assurer une meilleure connaissance du français ainsi qu’un meilleur accès à la culture francophone. PQF souhaite que ces recommandations se retrouvent dans le très attendu plan d’action du gouvernement, qui devrait, selon certains, être annoncé à l’été 2021 par le ministre responsable.

En tant que membre de PQF, le SPGQ a collaboré, en mars, à la production et à la diffusion d’une publicité de promotion du français comme langue officielle sur les médias sociaux. Cette publicité ciblait les jeunes et les nouveaux arrivants.

Le Syndicat a également participé à une série de vidéos de pro- motion du français sur les médias sociaux afin de démontrer l’unité et la conviction de l’ensemble des organisations membres de PQF pour le français au Québec. Ces vidéos visant le grand public ont comme objectif de développer un sentiment d’appartenance envers la langue officielle.

Toujours avec cette coalition, le SPGQ a collaboré à la produc- tion de deux lettres que PQF a transmises le 1er février au premier ministre et à la députation québécoise. Dans ces lettres, PQF plaide pour mettre un terme à l’exigence de la maîtrise de l’anglais afin d’avoir accès à de bonnes conditions de travail et

pour favoriser la francisation des nouveaux Québécois, jeunes et adultes, de manière à ce qu’ils maîtrisent tous les aspects de la langue française. Ces lettres mettaient également l’accent sur l’importance de baliser l’expansion de l’anglais en enseigne- ment supérieur, de permettre aux Québécois d’avoir accès à une véritable prise de mesure – dépolitisée et indépendante – de la situation linguistique sur le territoire, tout en émettant le sou- hait d’éradiquer le bilinguisme institutionnel, en faisant en sorte que les communications de l’administration publique, judiciaire et hospitalière soient en français.

 

FRONT UNI DU QUÉBEC POUR LA LANGUE FRANÇAISE

Au début de décembre 2020, le SPGQ s’est joint au Front uni du Québec pour la langue française, une coalition qui souhaite étendre la loi 101 aux entreprises à charte fédérale. Dans une lettre ouverte parue dans Le Journal de Québec, six maires des plus grandes villes du Québec et plusieurs groupes de la société civile (dont le SPGQ) se sont unis pour réclamer cette réforme de la Charte de la langue française.

Cette lettre ouverte plaidait en faveur d’une relance linguistique soutenue par une réouverture de la Charte, qui doit être renforcée. Les cosignataires ont déclaré :

« De plus, il est par conséquent nécessaire que l’appli- cation de la Charte soit dorénavant étendue aux entreprises de compétence fédérale situées en territoire québécois. Les Québécoises et Québécois doivent pouvoir travailler dans leur langue, le français, et la législation québécoise doit s’appliquer sur l’intégralité du territoire québécois. »

 

SORTIES MÉDIATIQUES DU SPGQ

Cette idée comme quoi les Québécoises et les Québécois doivent pouvoir travailler dans leur langue, le SPGQ a eu plusieurs fois l’occasion de la défendre sur la place publique. En octobre 2020, le Syndicat a fustigé l’inaction du Québec dans ce dossier, un an après que le Conseil supérieur de la langue française a déposé un rapport sur la situation peu reluisante du français dans les ministères et organismes publics de la province.

La présidente du SPGQ, Line Lamarre, avait alors souligné les aspects positifs du plan du ministre responsable de la Langue française. Ce plan prévoit que les entreprises fédérales au Québec soient soumises à la loi 101, mais il envisage aussi une mise à jour des manières de communiquer avec les personnes morales dans la province. Mme Lamarre appelait de ses vœux

M. Jolin-Barrette à passer à l’action et à faire en sorte que, sur les lieux de travail, le français s’impose comme la langue de l’État et de la loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l’enseignement, des communications, du commerce et des affaires.

Toujours en octobre, le SPGQ a diffusé une lettre ouverte dans laquelle il déplorait le nationalisme de façade du gouvernement en matière linguistique, alors qu’il venait de torpiller une motion visant à mieux protéger la langue officielle. Cette motion invitait la députation de l’Assemblée nationale à déclarer l’urgence linguistique au Québec et demandait au gouvernement de freiner le déclin du français.

Elle a été rejetée sous prétexte d’empêcher la redirection d’investissements de 750 M$ destinés aux projets d’agrandisse- ment du Collège Dawson et de l’Université McGill vers des institutions d’enseignement supérieur francophones, ce qui apparaît aux yeux du SPGQ comme cynique et irresponsable. D’autant plus dans un contexte où 90 % des entreprises du Québec ont exigé ou souhaité des compétences en anglais lors de leurs embauches.

En novembre 2019, le SPGQ avait réagi avec stupéfaction à la publication du rapport intitulé Pratiques linguistiques des ministères et organismes publics du gouvernement du Québec publié par le Conseil supérieur de la langue française en septembre 2019. Ce rapport révélait que 74 % des employés de l’État à Montréal utilisent parfois une autre langue que le français dans leurs interactions orales avec des personnes physiques au Québec, une proportion qui grimpe à 81 % à Laval et à 88 % en Outaouais.

Dans sa lettre ouverte adressée au ministre responsable de la Langue française, le SPGQ faisait valoir que l’administration publique bafouait le principe du français comme langue commune et d’inclusion, tout en transmettant le message pervers que le français n’a pas véritablement de statut de langue officielle au Québec.

 

RENCONTRE AVEC LE MINISTRE RESPONSABLE DE LA LANGUE FRANÇAISE

M. Simon Jolin-Barrette n’a pas tardé à réagir. Le 18 décembre, la présidente du SPGQ a pu s’entretenir avec lui à ses bureaux de Montréal. Mme Lamarre a pu faire valoir au ministre que les 30 000 membres du Syndicat devaient pouvoir travailler dans leur langue. M. Jolin-Barrette s’est montré réceptif aux arguments de Mme Lamarre et a promis un plan avec du mordant qui couvrirait un spectre d’interventions assez large.

Environ 16 mois se sont écoulés depuis cette rencontre avec le ministre et le dépôt du projet de loi no 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. La route ne s’arrête pas en si bon chemin sur ce dossier, car le SPGQ produira vraisemblablement un mémoire en vue d’apporter son grain de sel aux consultations découlant de ce projet de loi. Aussi, il a lancé en mai un questionnaire visant à recueillir des renseignements sur la situation du français au travail des professionnelles et des professionnels du SPGQ. Votre prochaine édition de L’Expertise reviendra donc à la charge sur ce thème.