Un guide pour les délégués et les membres

Article publié dans le magazine L’Expertise – Décembre 2020

Par Anouk Frenette-Tremblay, conseillère en relations du travail et à la négociation

et Étienne Blanchette, conseiller à l’organisation du travail

Cet automne, nous publierons un guide permettant aux délégations, tant dans la fonction publique que parapublique, de se sensibiliser aux situations problématiques en santé psychologique, de les détecter et de s’outiller. L’objectif est d’agir en prévention et d’établir un diagnostic permettant de faire un signalement rapide à l’employeur avant la dégradation de l’état de santé de nos membres et du milieu de travail.

La prévention pour éviter la répression

Depuis plusieurs années, le Syndicat ne cesse de recueillir les témoignages de membres qui se sentent épuisés, diminués, harcelés ou non valorisés dans leur milieu de travail. La plupart du temps, des mesures répressives sont prises par l’employeur pour corriger des comportements que les membres estiment fautifs. Or, même si les situations présentées sont souvent perçues comme du harcèlement psychologique, les faits permettent rarement de répondre aux critères légaux. Au-delà des qualificatifs, il n’en demeure pas moins que les membres vivent un profond malaise au travail.

Avant d’en arriver à cet état de détresse pour l’employé visé, mais aussi à la dégradation du milieu de travail, le Syndicat croit qu’il est à l’avantage de tous de travailler en amont et de s’attarder aux éléments de l’organisation qui favorisent l’apparition de comportements d’incivilité, d’irritation, de perte de motivation et de harcèlement.

Au moment d’écrire cet article, le guide est en rédaction. Une validation par des experts de la communauté universitaire suivra d’ici peu. Lors de la diffusion du guide, prévue cet automne, chaque milieu de travail devrait pouvoir réaliser, de façon autonome ou avec l’aide d’une personne conseillère, une démarche de prévention des risques à la santé psychologique.

D’ici la diffusion de la version en ligne du guide, voici quelques pistes de réflexion.

 

Les facteurs de risque en santé organisationnelle

De manière constante, la littérature nous apprend que ces facteurs ont une influence néfaste sur la santé psychologique organisationnelle :

  1. La nature de la tâche

Les travailleurs œuvrant dans un contexte de relation d’aide, de situation de danger ou qui ont peu de contrôle sur l’exécution de leurs tâches sont plus à risque de développer des lésions professionnelles de nature psychologique. Selon notre expérience, la non-adéquation entre le domaine d’étude de l’employé et son travail constitue aussi un facteur de risque.

  1. Les conditions de travail

L’alternance de l’horaire de travail, l’exposition à des agresseurs psychochimiques, la mise à la disposition d’outils non adaptés ou un environnement de travail inadéquat (p. ex., un aménagement de bureau bruyant) constituent d’autres facteurs de risque.

  1. La gestion

Une communication déficiente, une définition ambiguë des rôles et responsabilités, l’absence de gestion des conflits, une surcharge de travail, une organisation du travail qui ne permet pas de réaliser les tâches en respectant les règles de déontologie ou le professionnalisme des personnes salariées ainsi qu’une forte proportion du temps de travail consacrée aux tâches administratives figurent parmi les principaux facteurs de risque associés à la gestion.

  1. Le manque de sens au travail

Pour plusieurs professionnels de la fonction publique, le choix de travailler au sein de l’État s’arrime au sens du devoir et du bien commun ainsi qu’à une adhésion profonde à la mission de leur ministère ou organisme. Pour cette raison, nous travaillons avec une série d’indicateurs liés au sens que nos membres attribuent au travail. Lorsqu’ils ont le sentiment de s’accomplir dans leurs tâches et de travailler pour une mission sociale qui va bien au-delà du seul avancement professionnel d’un gestionnaire carriériste, cela comporte une lourde influence sur la santé psychologique des membres.

Si certains risques liés à l’organisation peuvent être plus difficilement démontrables, d’autres sont faciles à évaluer et peuvent être discutés avec l’employeur.

La gestion des conflits

Par manque de temps ou de connaissances des gestionnaires, la gestion efficace des conflits est trop souvent ignorée. Pourtant, lorsqu’elle est pratiquée de manière proactive, elle permet d’assainir le climat de travail, de diminuer le stress et d’augmenter la satisfaction. Voici quelques-unes des meilleures pratiques pouvant être mises en application lorsqu’une mésentente survient dans un milieu de travail :

  • Prendre le temps de se calmer avant d’aborder le problème;
  • Amorcer une discussion dans un contexte détendu en prenant soin de ne pas interrompre les gens;
  • Évacuer les sujets délicats et demeurer centré sur le sujet qui pose problème;
  • Oublier la recherche d’un coupable à tout prix;
  • Bien exprimer ses intérêts et ses besoins (p. ex. : besoin d’autonomie, d’être entendu, considéré et reconnu, de soutien, de ressources, d’information, etc.), sans négliger ceux de l’autre partie;
  • Être accompagné d’une personne qui saura écouter et mettre en valeur les intérêts et les besoins communs des parties;
  • Se concentrer sur les objectifs à atteindre. Ceux-ci doivent permettre de clarifier les attentes, objectifs ou perceptions en vue de rétablir un climat de travail sain pour tous. Ils doivent être communs et chacune des parties doit être réceptive à écouter l’autre dans cet échange;
  • Inclure une personne neutre pour modérer et faciliter les discussions.

La gestion des conflits demande temps et énergie, mais tout ce qu’on cache sous le tapis finit par ressurgir et envenimer un climat déjà chancelant.

Besoin d’aide?

L’actuel contexte pandémique constitue une réalité particulière et inhabituelle. Il peut affecter les personnes employées sur le plan physique, mais également sur le plan psychologique. En effet, dans un tel contexte, de nombreuses personnes vivront des réactions de stress, d’anxiété et de dépression.

S’il vous arrive souvent de vous sentir irritable, impatient, épuisé, de manquer de concentration ou de motivation ou encore si vous avez du mal à « déconnecter », n’hésitez pas à requérir du soutien auprès d’un professionnel de la santé, de vos proches ou du programme d’aide aux employés de votre ministère ou organisme.

Si ces démarches demeurent insuffisantes et que votre équilibre semble vaciller, consultez votre médecin sans tarder. L’épuisement peut naître d’une cause physique qui à elle seule peut clarifier un examen médical.