Violence conjugale : modifier la loi pour offrir un milieu de travail vraiment sécuritaire

Depuis 1979, la Loi sur la santé et la sécurité du travail a pour objet l’élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des personnes travailleuses. Il serait temps d’y inclure des mesures pour protéger les victimes de violence conjugale.

Le ministère du Travail a récemment laissé entendre qu’il allait réviser la Loi sur la santé et la sécurité du travail au cours de l’année 2020. Cet exercice périlleux sera un moment charnière pour modifier de manière profonde la notion de santé et de sécurité du lieu de travail au bénéfice des personnes travailleuses.

Violence faite aux femmes

La société québécoise n’a jamais autant parlé de violence faite aux femmes qu’en 2019 et 2020. Malheureusement, cela est la conséquence de nombreux féminicides et meurtres familiaux survenus ces derniers mois. Tous les acteurs ont leur responsabilité. La différence, cette fois-ci, est qu’il y a une volonté de changement.

La violence conjugale inclut les agressions psychologiques, verbales, physiques et sexuelles ainsi que les actes de domination économique. Ce n’est pas une maladie ou une dépression passagère. C’est le moyen choisi pour dominer une autre personne et affirmer son pouvoir sur elle. Sous un angle féministe, il pourrait être judicieux que le gouvernement du Québec s’inspire du fédéral en matière de sécurité des femmes au travail, particulièrement celles qui sont victimes de violence conjugale.

Pour une femme victime de violence conjugale, la maison, la voiture et les lieux publics peuvent être des endroits où sa sécurité est compromise. Le lieu de travail ne doit pas l’être. Certains employeurs jugent que le fait d’assurer la sécurité d’une employée victime de violence conjugale n’est pas leur responsabilité. Certains seront tentés de refuser de s’impliquer dans cette affaire personnelle, mais ils font fausse route. L’employeur doit protéger la victime de violence conjugale du harcèlement de son conjoint ou ex-conjoint. Au Québec, cette responsabilité de l’employeur est loin d’être claire.

Ailleurs au Canada

Rachel Cox, professeure au département des Sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), a effectué une recherche sur les responsabilités de l’employeur en matière de violence conjugale.

« Aujourd’hui, au Canada, la violence conjugale au travail ou à proximité est déjà largement reconnue comme un risque professionnel, écrit-elle. En Ontario, Alberta, Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve-et-Labrador, la législation en matière de santé et de sécurité au travail vise explicitement la violence conjugale ».

Bien que le Manitoba et la Colombie-Britannique n’aient pas de texte législatif ou réglementaire explicite, les employeurs ont un devoir en matière de violence conjugale dans le cadre de leurs obligations de prévention de violence au travail. Au Québec, la Loi sur la santé et de la sécurité au travail est muette sur cette question. Quant à la Loi sur les normes du travail, elle demeure discrète sur le sujet.

Sourds-muets-aveugles : et nos milieux de travail ?

Qu’attend le Québec pour réagir ? Il est plus que temps que la Loi sur la santé et la sécurité au travail soit mise à jour pour inclure la sécurité des lieux de travail pour les femmes victimes de violence conjugale. Certains syndicats, dont Unifor-Québec, ont introduit des articles sur la protection des femmes victimes de violence conjugale dans leurs conventions collectives. Le SPGQ est présentement en réflexion sur cette mesure.

En terminant, si vous êtes tenté de penser que la question de la violence conjugale ne concerne pas les membres du SPGQ, détrompez-vous ! La violence conjugale n’a pas d’âge ni de niveau de revenus ou de scolarité. En 2014, 3,5 % de la population québécoise en était victime. Rapportez cette statistique sur votre unité de travail et… bonne réflexion !

Pandémie : violence conjugale en hausse

Alors que les gouvernements pressent les gens de « rester en sécurité à la maison » pour se protéger du virus, la situation est plus dangereuse que jamais pour les victimes de violence conjugale. Le confinement et le stress occasionné par la situation entraînent trop souvent une augmentation du contrôle et de la violence.

Dans ce contexte, gestionnaires et collègues doivent redoubler de vigilance et rester en contact par téléphone ou par d’autres moyens électroniques avec une personne dans une situation difficile. Il ne faut pas hésiter à appeler la police si quelqu’un est victime de violence.

Si vous êtes vous-même victime, appelez le 911. Un appel, même muet, sera suivi d’une visite de la police.

Des ressources

SOS violence conjugale

1 800 363-9010
ou
Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

514-878-9134

 

Article rédigé par Isabelle Darisse, conseillère à la vie syndicale et à la recherche, et Normand Desbiens, conseiller à la santé et sécurité du travail, avec la collaboration de Nathalie Côté, conseillère à l’information

Magazine L’Expertise – Mai 2020