Cette foire aux questions est en lien avec la conférence de Mélanie Laroche qui s’est tenue les 30 avril, 1er et 2 mai 2024.
Voir ou revoir la conférence – Vous avez reçu le mot de passe pour accéder à la vidéo dans l’avis de convocation à l’assemblée générale des membres envoyé le 3 juin 2024
SPGQ: Pendant une grève, les obligations découlant d’une clause de non-concurrence ou d’exclusivité pourraientêtre sujettes à application ou à modulation. Le SPGQ entreprend actuellement des démarches juridiques afin de clarifier cette situation et de fournir des directives précises.
Mélanie Laroche : Deux choses. D’abord, les grèves ne sont pas toujours motivées uniquement par des questions monétaires. Elles peuvent également viser à défendre l’autonomie professionnelle, l’avancement de carrière, ou à contrecarrer les intentions de l’employeur de recourir à la sous-traitance, ce qui pourrait entraîner la perte d’emplois au sein de l’unité d’accréditation.
Ensuite, sur le plan financier, bien que les jours de grève entraînent une perte de revenu immédiate, les augmentations salariales obtenues grâce à ces actions peuvent compenser ces pertes sur le long terme. L’augmentation du pourcentage de votre salaire s’appliquera sur toute votre carrière. Ainsi, votre salaire en fin de carrière reflétera les bénéfices accumulés grâce à ces augmentations. En d’autres termes, l’investissement réalisé en participant à la grève peut être rentabilisé sur la durée, en tenant compte de l’impact global des augmentations obtenues.
Mélanie Laroche : L’approche actuelle du gouvernement avec la Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec(FIQ) donne un bon indicateur de la situation. Il semble que le gouvernement ait des objectifs précis concernant la gestion des services publics, ce qui se manifeste par une adoption stricte des principes de la nouvelle gestion publique. Si les syndicats souhaitent s’orienter différemment par rapport aux plans du gouvernement, il est probable que cela conduise à des conflits de travail plus significatifs que ceux observés ces dernières années. L’employeur recherche plus de flexibilité, ce qui peut détériorer les conditions de travail et affecter l’autonomie professionnelle. Il est donc prudent de s’attendre à des négociations plus tendues, plus prolongées, et potentiellement à des conflits de travail si les propositions de l’employeur sont rejetées par les syndicats.
Mélanie Laroche : Exactement, c’est le pari fait par les syndicats d’enseignement au Québec [FAE, FSE-CSQ], et vous avez vu les résultats… Avoir la discipline et l’autonomie de mettre de côté de l’argent individuellement varie d’une personne à l’autre à une époque où l’endettement des ménages ne cesse d’augmenter. Certains vont le faire, d’autres non. Les syndicats de l’enseignement ont préféré cette autonomie, mais il est impossible d’obliger quelqu’un à épargner. Il peutêtre plus sage de s’imposer des règles à cet égard…
SPGQ : Le régime des services essentiels est établi pour garantir la sécurité du public. Ces services doivent être négociés de manière stricte et étroite, tout en respectant le droit de grève, protégé par la Charte canadienne des droits et libertés.
Contrairement à la négociation de la convention collective elle-même, si les parties ne s’entendent pas ultimement lors de la négociation des services essentiels, c’est la division des services essentiels du Tribunal administratif du travail (TAT) qui pourra trancher le litige de manière exécutoire à la demande de l’une ou l’autre des parties. La mission du TAT est d’assurer la suffisance des services essentiels tout en préservant le droit de grève des syndiqués.
Le spectre de cet arbitrage rend l’exercice de négociation entre les parties d’autant plus importantes et efficaces. Une négociation rigoureuse des services essentiels permet de garantir une grève efficace, tout en respectant le cadre légal, même s’il s’agit d’un exercice de longue haleine.
Mélanie Laroche : Mon propre groupe, les professeurs d’université, ne bénéficie souvent pas d’une large sympathie, et donc, nous devons identifier des enjeux susceptibles de rallier le public à notre cause. S’il n’y a pas de telles revendications, nous devons envisager des stratégies pour perturber efficacement l’appareil étatique, même sans un fort soutien populaire. Le soutien du public est un atout, mais il est seulement l’un des 90 éléments qui influencent l’issue des négociations.
Mélanie Laroche : Cette question mérite une analyse approfondie, surtout lorsqu’il s’agit d’étudier le syndicalisme chez les professionnels. Les syndicats indépendants qui ont vu le jour au Québec ces dernières années choisissent souvent de se concentrer sur un groupe homogène, ce qui présente des avantages certains. Être au plus près des membres et de leur réalité permet de cibler précisément les intérêts spécifiques du groupe.
D’un autre côté, s’affilier à de grandes organisations syndicales peut également offrir des avantages, notamment la puissance numérique. Toutefois, il est possible d’exploiter cette force du nombre à travers des alliances ponctuelles plutôt que des affiliations formelles, assurant ainsi que nos intérêts sont fidèlement représentés.
Le principal défi à relever face à cette question dans les années à venir sera de valoriser votre réalité professionnelle au sein d’une structure plus vaste qui représente également d’autres catégories de travailleurs. Il est crucial pour les professionnels de bénéficier de la force du nombre et de garantir que leur unicité reste bien représentée au sein d’une grande entité syndicale diversifiée, le cas échéant.
Cela représente un enjeu majeur pour les professionnels : allier puissance collective et préservation de l’identité spécifique.
Mélanie Laroche : La discussion interne est cruciale, mais il est certain que disposer d’une caisse de grève renforce la capacité de résistance durant un conflit. Sans les ressources financières nécessaires, les membres perdent un levier essentiel dans leur rapport de force. Notre modèle de relations de travail repose sur notre capacité à perturber les opérations normales, ce qui peut être difficile pour les professionnels attachés à la qualité de leur travail.
Bien que la grève soit un outil puissant, il existe d’autres moyens de pression qui peuvent être envisagés. Règle générale, il est préférable de monter progressivement la pression : commencer par quelques jours de grève, puis évaluer la situation. Il est indéniable que les caisses de grève améliorent la résilience, comme le montre la dernière négociation dans le secteur public, bien qu’ils ne soient pas une solution miracle.
Mélanie Laroche : En effet, dans la pratique, bien que l’objectif soit d’éviter d’utiliser lacaisse de grève — 94% des conventions collectives sont conclues sans conflit de travail — sa simple existence joue un rôle crucial dans le rapport de force. Les conflits de travail restent minoritaires, mais la préparation de l’employeur inclut l’analyse de la capacité de l’organisation syndicale à gérer un conflit. Avoir des stratégies en place pour faire face aux conflits, comme une caisse de grève, influe positivement sur la perception de l’employeur de votre rapport de force.