Nouveau mode de scrutin – la parité mise sur la glace

26 mai 2021

Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) accueille avec incrédulité la décision de Mme Sonia LeBel, ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Réforme électorale, de surseoir à étudier les articles sur la parité du projet de loi n° 39 (PL39) visant à établir un nouveau mode de scrutin.

Cette décision s’avère lourde de conséquences pour les femmes, car leur représentation paritaire ne pourra être effective à temps pour les prochaines élections provinciales prévues en octobre 2022. Pourtant, le PL39 avait pour objectif de mettre en place un nouveau mode de scrutin mixte avec compensation régionale, mais aussi différentes mesures pour favoriser la parité entre les femmes et les hommes à l’Assemblée nationale.

Présidant un syndicat dont les membres sont à majorité féminine, je veux ici exprimer mon désarroi – à la fois comme présidente, mais aussi, et peut-être surtout, comme femme – envers une décision qui semble véhiculer le message que, au Québec, la représentation paritaire des femmes en politique provinciale, ça peut attendre.

En 2021, peut-on se surprendre de la colère des femmes envers un acte qui diffère leur participation équitable au jeu démocratique ? Je me risque sans retenue à dire non, car l’encre noire du PL39 ne saurait mentir : les partis politiques devraient viser à atteindre la zone paritaire, en présentant entre 40 % et 60 % de candidates aux élections générales.

À cela, il serait facile de rétorquer que cette cible est pourtant atteinte, comme l’ont démontré les élections provinciales d’octobre 2018 où tous les partis y sont parvenus. Toutefois, comment crier victoire alors que, pour les quinze premières années du nouveau millénaire, la proportion de femmes siégeant à l’Assemblée nationale s’est campée à guère plus de 30 % ?

Dans la foulée de la pandémie de COVID-19, le Québec a été secoué par une récession économique sans précédent, qui se distingue non seulement par l’ampleur des dégâts, mais aussi par le fait qu’elle touche particulièrement les femmes. Leur participation au marché du travail est passée d’un sommet historique à son seuil le plus bas depuis plusieurs décennies. Les femmes ont assumé un lourd tribut : non seulement ont-elles été surreprésentées dans les secteurs les plus touchés par la récession, en plus d’occuper les emplois parmi les moins rémunérés, mais elles ont dû prendre sur leurs épaules l’essentiel des responsabilités relatives aux enfants pendant la fermeture des écoles et des garderies.

Conséquemment, il est injuste et honteux de freiner et de retarder la représentation paritaire des femmes à l’exercice démocratique sous motif de manque de temps. A-t-on demandé aux femmes si elles avaient le temps de s’occuper des enfants, de soigner les malades et d’occuper des emplois fondamentaux, mais souvent sous-rémunérés ?

Le 13 mai, le gouvernement semble s’être donné les moyens d’atteindre une forme d’exemplarité de l’État avec son projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. Pourtant, ce n’est pas la langue française qui, au quotidien, nous soigne, nous nourrit et nous console.

Nous croyons donc que cette exemplarité de l’État, si bonne et judicieuse soit-elle pour assurer la pérennité de la langue française, devrait l’être tout autant pour veiller à une représentation équilibrée des femmes au sein de la maison du peuple. La place des femmes en politique provinciale ne doit plus être une option : elle doit exprimer bien davantage que le simple reflet des défaillances, inégalités et travers de notre démocratie.

 

Line Lamarre
Présidente