Réplique – Projet de loi no 89 limitant le droit de grève
Un projet de loi déséquilibré dont la pertinence n’a pas été démontrée
Toute intervention législative demande l’identification, par le gouvernement, d’une nécessité à laquelle il y aurait lieu de répondre. Nous demeurons dans l’attente d’une telle démonstration.
Contrairement à ce qu’affirment certaines organisations patronales et le ministre du Travail, Jean Boulet, le projet de loi no 89 ne remplira pas ses promesses. Le ministre clame vouloir réduire l’impact des conflits de travail. Mais au contraire, la possibilité pour le ministre d’intervenir par décret dans les conflits de travail provoquera exactement l’effet inverse. La possibilité d’une intervention par décret placera les parties dans un attentisme qui mettra des bâtons dans les roues de toute négociation collective. Nous pouvons déjà prédire qu’en période de négociations, les employeurs vont s’asseoir sur leurs deux mains en attendant le déclenchement d’une grève ou en décrétant un lock-out pour par la suite aller pleurer sur l’épaule du ministre du Travail afin de réclamer son intervention.
Le mouvement syndical demande unanimement son retrait et les associations patronales, quant à elles, l’applaudissent. Cette seule donnée devrait suffire à faire la démonstration au ministre que son projet de loi est déséquilibré et met en péril le délicat équilibre des relations du travail.
Le projet de loi a fait l’objet d’une étude en commission parlementaire. Un consensus clair s’est dégagé de la part des observateurs neutres du monde du travail québécois. Les experts entendus, parmi les plus réputés du Québec, regroupant pas moins de neuf juristes spécialisés en droit du travail et trois professeurs en relations industrielles, ont de façon unanime mis en garde le ministre contre les dangers que représentent son projet de loi sur l’équilibre des relations de travail et sur le maintien de la paix industrielle. Il en a été de même de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) et de l’Association canadienne des libertés civiles. Il ne s’est pas trouvé un seul expert indépendant pour trouver des mérites au projet de loi.
Même face à cette unanimité des experts neutres, et devant les appels du monde syndical au dialogue, le ministre persiste et signe. Ce refus de participer au dialogue social est incompréhensible de la part d’un ministre qui a pourtant toujours démontré un souci d’écoute – pourquoi ce projet de loi n’a-t-il fait l’objet d’aucune consultation préalable ?
Le 27 mars dernier, les centrales syndicales ont réclamé une rencontre avec le premier ministre. Cet appel est demeuré sans réponse. En commission parlementaire, le mouvement syndical a mis au défi le ministre de trouver un seul conflit de travail, dans les 10 ou 15 dernières années, pour lequel la nouvelle loi aurait été appliquée. Le ministre en a été incapable et le gouvernement demeure silencieux. À lui seul, ce silence est une réponse; absolument rien ne justifie un tel projet de loi.
Le mouvement syndical ne peut participer seul au dialogue social.
Monsieur le Ministre, retirez le projet de loi no 89. Convoquez les parties prenantes à une table de discussion. Faites la démonstration de la pertinence de votre intervention législative. Le mouvement syndical répondra présent chaque fois qu’il sera question de préserver l’équilibre dans les relations de travail au Québec. C’est ça agir pour le bien-être de la population.
Magali Picard, présidente de la FTQ
Caroline Senneville, présidente de la CSN
Éric Gingras, président de la CSQ
Christian Daigle président du SFPQ
Guillaume Bouvrette, président du SPGQ
Robert Comeau, président de l’APTS
Mélanie Hubert, présidente de la FAE
Julie Bouchard, président de la FIQ
Luc Vachon, président de la CSD