La démocratie en santé et services sociaux : une grande force 

10 juin 2024

La réforme du réseau de la santé et des services sociaux, avec le projet de loi 15, aura été un moment marquant de la session parlementaire, laquelle prend fin cette semaine. Plus d’un an après le dépôt du projet de loi créant Santé Québec, nous demeurons très inquiets, non seulement en raison de la place qu’on fait au privé et de l’extrême centralisation, mais également face aux reculs démocratiques dans le réseau de la santé et des services sociaux. 

Tout le processus ayant conduit à l’adoption de ce projet de loi en dit long sur l’état de notre démocratie. Au lieu d’écouter et de se fier à l’intelligence collective des Québécois et des Québécoises, le gouvernement a plutôt conçu cette réforme en vase clos et sans véritables consultations. Sans surprise, celle-ci va à l’encontre de plusieurs solutions qui font largement consensus de la part des intervenants et des intervenantes sur le terrain et du milieu de la recherche. La population ne souhaitait pas une énième réforme de structures, mais des solutions concrètes pour un meilleur accès à un médecin de famille, de meilleurs soins et un panier de services élargi (ex : soins à domicile, santé mentale). 

L’adoption du projet de loi sous bâillon constitue une autre illustration des dérives démocratiques. On observe ce même phénomène ailleurs que ce soit l’ouverture majeure consentie au privé en télémédecine par simple règlement ou encore dans la remise en question, par la Commissaire à la santé et au bien-être, de l’universalité et la gratuité de soins sur la base d’un sondage en ligne et de l’opinion de quelques personnes ciblées.  

Quant à Santé Québec, nous craignons que cette structure éloigne encore plus les citoyens et les citoyennes de leur réseau. Cette agence ne doit pas devenir une grosse boîte noire, inaccessible et opaque. Son conseil d’administration ne peut fonctionner comme celui de n’importe quelle entreprise privée. Les services publics remplissent des missions et assument des responsabilités bien particulières qui n’ont rien à voir avec une entreprise et ses actionnaires. Des mesures doivent être envisagées pour renforcer la participation démocratique de la population et des groupes qui ont à cœur le réseau de santé et de services sociaux. Cela pourrait commencer par accorder une place au conseil d’administration pour une représentation de la société civile et des travailleurs et travailleuses. 

Depuis 30 ans, le système de santé s’est transformé à coup de réformes à courte vue, lesquelles ont été imposées du haut vers le bas. Celles-ci ont imposé toujours plus de contrôle sur les équipes de travail qui finissent par ne plus se reconnaître dans ce grand ensemble impersonnel. Plutôt que de confier l’avenir du système de santé et de services sociaux à des gestionnaires du privé, on doit faire autrement en favorisant une reprise de possession collective. Il est urgent de rétablir et renforcer plusieurs leviers : l’accès à l’information, le débat public, la prise de décision partagée. Pour assurer le respect des droits fondamentaux, les structures de gouvernance doivent tenir compte des diverses réalités et expertises et doivent mettre en place des mécanismes permettant à la société civile d’être informée, de surveiller et d’influencer les grandes orientations et les travaux qui transforment notre système public de santé et de services sociaux. La démocratie doit cesser d’être perçue comme une embûche ou un mal nécessaire et être reconnue pour ce qu’elle est : une grande force. 

Robert Comeau, président de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) 
Éric Gingras, président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) 
Caroline Senneville, présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) 
Magali Picard, présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)  
Julie Bouchard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) 
Fanny Demontigny, présidente du Conseil provincial des affaires sociales du Syndicat canadien de la fonction publique (CPAS-SCFP-FTQ) 
Isabelle Dumaine, présidente de la Fédération de la santé du Québec (FSQ-CSQ) 
Réjean Leclerc, président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN) 
Jessica Goldschleger, présidente de la Fédération des professionnèles (FP-CSN) 
Sylvie Nelson, présidente du Syndicat des employés et employées de services (SQEES-298) 
Guillaume Bouvrette, président du Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)