Suppressions de postes dans la fonction publique: des économies, vraiment?

Comme annoncé en campagne électorale, la Coalition avenir Québec (CAQ) a confirmé en début d’année 2019 son intention d’appliquer une suppression équivalant à 1% des postes de l’ensemble des sociétés et ministères du gouvernement, y compris les réseaux de l’éducation et de la santé, sur quatre ans, soit un total de 5 000 postes.

Dans les faits, l’abolition de postes ne touchera que l’Administration gouvernementale (ministères et organismes) et sera plutôt de l’ordre de 7%. À terme, la CAQ estime que cette réduction des effectifs rapportera des économies annuelles de 380 M$. Le SPGQ est d’avis que la CAQ fait fausse route en voulant abolir ces postes, considérant qu’elle devrait plutôt s’attaquer à la sous-traitance abusive.

Dans un article publié en 20091, soit après cinq ans d’application du Plan de réduction de la taille de l’État du gouvernement Charest qui avait mené à l’abolition de 4 557 postes, le SPGQ avait mis en évidence que l’augmentation des dépenses de sous-traitance en services professionnels représentait 2,5 fois la réduction des coûts de main-d’œuvre pour la période comprise entre 2004-2005 et 2008-2009.

Le même constat voulant que des suppressions de postes dans la fonction publique entraînent une hausse des dépenses en sous-traitance par rapport aux économies générées avait été fait dans un rapport2 déposé en mars 2010 par Monique Gagnon Tremblay, alors présidente du Conseil du trésor: « Les résultats récents démontrent qu’il devient de plus en plus difficile d’appliquer le plan de réduction de l’effectif et que l’approche appliquée depuis six ans a atteint ses limites. Les économies découlant de la réduction de l’effectif peuvent, dans certains cas, être réduites, voire plus que compensées par l’octroi de contrats professionnels plus coûteux donnés à l’externe. » Selon le SPGQ, si le gouvernement souhaite réellement faire des économies tout en maintenant les services publics, il doit réduire la sous-traitance.

Selon les dernières données3 sur la sous-traitance4, publiées sans tambour ni trompette en mars 2019 par le Secrétariat du Conseil du trésor pour l’ensemble des organismes gouvernementaux, incluant les réseaux de la santé et de l’éducation, un total d’environ 5 G$ a été accordé en contrats de services en 2017-2018. Uniquement pour l’Administration gouvernementale (les ministères et les organismes), une somme de 2,35 G$ a été dépensée en 2017-2018 en contrats de services, soit un peu plus que la moyenne annuelle des huit années précédentes, qui s’établissait à plus de 1,88 G$.

Uniquement pour les contrats de services dans le domaine de l’informatique5, plus de 892 M$ ont été consacrés à l’Administration gouvernementale en 2017-2018. Par exemple, si le gouvernement de la CAQ décidait de réduire de 15% ce poste budgétaire, plus de 133 M$ par an seraient dégagés et pourraient être en partie réinvestis dans la fonction publique afin de maintenir les services publics. En effet, dans le secteur de l’informatique, un consultant coûte en moyenne deux fois plus cher qu’un fonctionnaire. Le gouvernement de la CAQ pourrait donc consacrer la moitié de ces 133 M$ disponibles pour l’embauche de plus de 800 fonctionnaires supplémentaires, tout en économisant annuellement 62,5 M$.

Prônant une saine gestion des deniers publics, la CAQ devrait plutôt concevoir un plan de réduction de la sous-traitance. Contrairement à la réduction des effectifs de la fonction publique, ce plan permettrait de maintenir les services, tout en dégageant de véritables économies.

Article rédigé par Martin Alarie, conseiller à l’organisation du travail

Magazine L’Expertise – Septembre 2019


[1] Martin Alarie et Gaëtan Hébert, «Plan de réduction de la taille de l’État: privatiser les services publics coûte plus cher», L’Expertise, vol. 8, no 1, novembre 2010, p. 4-5.

[2] Secrétariat du Conseil du trésor du Québec, Dépenses publiques, des choix responsables: plan d’action pour la réduction et le contrôle des dépenses 2010-2014, mars 2010, p. 35.

[3] Secrétariat du Conseil du trésor du Québec, Statistiques sur les contrats des organismes publics 2017-2018, mars 2019.

[4] Contrats de 25 000$ et plus.

[5] Les catégories « traitement de l’information et services de télécommunications connexes » et « services de soutien professionnel et administratif et services de soutien à la gestion » du rapport ont été additionnées. Il faut également souligner que les données méthodologiques du rapport précisent que les statistiques du rapport excluent les demandes de services découlant d’un contrat à exécution sur demande. Or, une part importante des contrats en informatique sont des contrats à exécution sur demande. Enfin, la catégorie «matériel et logiciel informatiques », qui totalise près de 700 M$, n’a pas été prise en compte dans nos calculs puisque nous présumons qu’il s’agit essentiellement de matériel.