Pratiques antisyndicales : lorsque l’employeur ne se mêle pas de ses oignons

Article publié dans le magazine L’Expertise – Avril 2021

Par Guillaume Bouvrette
Troisième vice-président

et Anouk Frenette-Tremblay
Conseillère aux relations du travail et à la négociation

 

Les pratiques antisyndicales ne sont pas nouvelles. Au siècle dernier, le manufacturier d’allumettes E. B. Eddy a négocié le renvoi de la contremaîtresse Donalda Charron, première femme présidente d’un syndicat au Canada. Au début des années 2000, la fermeture du magasin Walmart de Jonquière était motivée par l’antisyndicalisme notoire de la multinationale. Récemment, la direction de la Banque Laurentienne a offert 1,8 M$ pour convaincre les deux principaux dirigeants syndicaux de quitter l’entreprise, de régler des griefs et de s’assurer que le syndicat ne s’oppose pas à une quatrième démarche de désyndicalisation. Appelée à réagir par La Presse, la Banque Laurentienne a osé affirmer que « ces négociations, qui se déroulent sans préjudice et entre les avocats de l’employeur et du syndicat, constituent une pratique standard ».

On pourrait croire que les pratiques antisyndicales sont l’apanage du secteur privé, mais les professionnelles et professionnels représentés par le SPGQ ne sont pas à l’abri de tels agissements. Même si les pratiques du gouvernement du Québec et des employeurs des unités d’accréditation parapubliques ne font pas les manchettes, elles sont tout aussi préoccupantes.

 

VIGIE CONSTANTE DES TENTATIVES DE DÉSYNDICALISATION

Il est reconnu par la jurisprudence que l’exclusion d’un salarié de l’unité d’accréditation est une exception. Pourtant, le SPGQ doit exercer une vigie hebdomadaire des manœuvres visant à retirer certains postes de ses unités d’accréditation sans motif valable, voire pour des raisons frivoles.

Dans la pratique, le SPGQ constate que les professionnelles et professionnels ne s’opposent généralement pas à leur exclusion de l’unité d’accréditation, estimant économiser le montant des cotisations syndicales. Malheureusement, personne n’est à l’abri. Il suffit parfois d’un changement relationnel avec un supérieur, d’une période d’invalidité ou de tout autre imprévu pour regretter de ne plus bénéficier d’un accompagnement syndical. Souvent, les membres représentés par le Syndicat ne pensaient pas devoir faire appel au SPGQ durant leur carrière.

 

LE REFUS D’ACCOMPAGNEMENT OU L’ABSENCE D’OFFRE

Une des situations vécues couramment par les membres est de se voir refuser l’accompagnement d’un officier syndical lors d’une rencontre avec leur employeur. Les conventions collectives prévoient des situations précises lors desquelles les employés peuvent être accompagnés. Or, il arrive fréquemment que l’employeur le refuse !

Sans conclure d’emblée à la mauvaise foi, l’employeur omet parfois d’aviser une personne employée qu’elle peut être accompagnée d’un représentant syndical de son choix lors d’une rencontre de nature disciplinaire.

Au-delà des motifs spécifiquement prévus aux conventions collectives, l’employeur aurait avantage à mieux informer les employés de leurs droits et à se montrer ouvert à la présence d’un accompagnateur lors de toute rencontre délicate. Le rôle du délégué est de rassurer l’employé, de prendre des notes, de poser des questions d’éclaircissement, de s’assurer du respect de ses droits et de contribuer au bon déroulement de la rencontre.

À l’évidence, une personne occasionnelle dont le contrat n’est pas renouvelé ou une personne employée qui fait l’objet d’une mauvaise évaluation du rendement ne devrait pas être seule avec la personne gestionnaire.

 

LE CHOIX DE L’INTERLOCUTEUR SYNDICAL

Avec consternation, le SPGQ fait régulièrement face à des tentatives d’ingérence de l’employeur dans les activités syndicales. Fréquemment, celui-ci souhaite désigner lui-même son interlocuteur syndical.

À titre d’exemple, la direction des ressources humaines d’un organisme gouvernemental employant plus de 4000 personnes, dérangée par l’enquête syndicale qui se déroulait sur le terrain, a récemment exigé du SPGQ qu’il change le conseiller en relations du travail attitré à certains griefs. L’organisme est allé jusqu’à demander à faire affaire directement avec le gestionnaire, comme si le Syndicat lui était subordonné !

Dans une agence, on a fait des pressions sur les membres du comité de sous-traitance pour que l’information qu’ils reçoivent dans le cadre de leur mandat ne soit pas partagée avec le SPGQ, sous prétexte de préserver la confidentialité de l’information. Pourtant, le partage de ces données est prévu dans une clause négociée de la convention collective. Les représentants de la partie syndicale siégeant aux comités paritaires représentent les intérêts des membres, et non les leurs.

Il a aussi été porté à la connaissance du SPGQ que l’employeur a exclu, tenté d’exclure ou désigné une personne conseillère syndicale devant participer aux réunions d’un comité de relations professionnelles. Il a démontré ainsi une volonté tout à fait illégale d’imposer sa propre vision des relations du travail.

La nomenclature des relations industrielles foisonne de termes pour désigner les syndicats dominés ou détournés par le patronat. Clairement, l’employeur doit respecter ses vis-à-vis syndicaux et travailler en réel partenariat. Toute ingérence dans les activités syndicales est inacceptable et tous doivent travailler à la faire cesser.

 

LE COURRIEL FOURNI PAR L’EMPLOYEUR

Comme vous le savez peut-être, une réflexion persiste quant à la limitation actuelle de l’utilisation du courriel appartenant à l’employeur. En 2021, s’agit-il d’une pratique interdite ou d’une entrave à l’activité syndicale de la part de l’employeur?

À la suite de sa dernière ronde de négociations, l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ) a permis d’établir que l’interdiction faite par l’employeur d’utiliser la signature courriel pour véhiculer un message de nature syndicale, rédigé en termes corrects, constituait de l’ingérence au sens de l’article 12 du Code du travail.

Cela dit, dans les milieux où l’employeur fait du zèle, le SPGQ continue de recommander aux délégués syndicaux de communiquer avec leurs membres par le biais de leur courriel personnel, dans la mesure du possible.

VOS RECOURS

Vous croyez être victime de pratiques antisyndicales? Communiquez avec le SPGQ pour l’informer de la situation. Des recours légaux existent, bien que le Syndicat favorise toujours, dans un premier temps, une intervention ciblée visant à permettre à l’employeur de corriger le tir.

Un syndicat ou les salariés peuvent exercer un recours fondé, notamment sur l’article 12 du Code du travail, pour se plaindre de manœuvres antisyndicales de la part de l’employeur.

 

L’article 12 du Code du travail prévoit ceci :

 « Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une association d’employeurs, ne cherchera d’aucune manière à dominer, entraver ou financer la formation ou les activités d’une association de salariés, ni à y participer.

Aucune association de salariés, ni aucune personne agissant pour le compte d’une telle organisation n’adhérera à une association d’employeurs, ni ne cherchera à dominer, entraver ou financer la formation ou les activités d’une telle association ni à y participer. »

Les pratiques antisyndicales dénoncées ici vous apparaissent peut-être subtiles, mais elles entravent constamment le travail des personnes déléguées et conseillères. En prendre conscience et dénoncer les pratiques antisyndicales sont des premiers pas vers une plus grande collaboration patronale-syndicale et vers un respect des rôles de chacun.