Pouvoir réussir une négociation – Contexte et rapport de force

Compte rendu du Congrès 2022

Article publié dans le magazine L’Expertise – Juin 2022
Par Marie-Josée Garand, conseillère à la coordination du service de l’application des conventions collectives


Qu’est-ce qu’une négociation réussie ? Quelles sont les modalités pour la considérer comme telle ? Ce sujet chaud a soulevé bien des discussions en atelier lors du dernier congrès !

Dans certains cas, le contexte social peut favoriser la réussite ou y nuire. La plus récente série de négociations dans la fonction publique, qui s’est terminée dans un contexte de pandémie, en a d’ailleurs été un bon exemple.

Le SPGQ a eu la chance de recevoir deux négociateurs chevronnés lors du congrès afin d’échanger sur le sujet : Roméo Saganash et Hans Marotte.

Présentation des deux panélistes

Titulaire d’un diplôme en sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal, Roméo Saganash a milité dans un grand nombre d’associations et d’entreprises autochtones et cries, dont le Conseil des jeunes de la Nation crie, qu’il a fondé et présidé. À partir de 1993, il a servi en tant que directeur des relations avec le Québec et le monde au Grand Conseil des Cris, puis a joué un rôle majeur dans la négociation de l’entente de la Paix des Braves en 2002. De 2011 à 2019, il était député fédéral représentant la circonscription d’Abitibi–Baie-James–Nunavik–Eeyou, sous les couleurs du Nouveau parti démocratique.

Avocat et titulaire d’un baccalauréat en droit à l’UQAM, Hans Marotte a été responsable des services juridiques au Mouvement Action-Chômage de Montréal entre 1996 et 2017. Il a été conseiller syndical au Syndicat canadien de la fonction publique. Dans le cadre de cet emploi, il a notamment mené à bien la négociation de la convention collective avec la Ville de Montréal. Il est actuellement conseiller politique à la direction de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

Ingrédients d’une négociation réussie

Tout d’abord, les panélistes ont été invités à s’exprimer sur les ingrédients d’une négociation réussie. D’emblée, ils ont évoqué le travail d’équipe et le fait d’être bien entourés. La négociation peut être intense et exigeante, donc il faut des ressources humaines pour la soutenir. Il est aussi primordial de connaître le terrain. L’implication des gens de la base est essentielle.

M. Marotte a mentionné que, dans les mauvais jours, il faut se demander comment tourner une erreur – puisqu’on en fait tous – en un élément positif. De son côté, M. Saganash a partagé les trois axes qu’il a toujours utilisés dans ses négociations, soit : le juridique, le politique et les communications.

Contexte de la négociation

Est-ce qu’un contexte peut être favorable à une négociation réussie ? À cette grande question, les panélistes ont tout d’abord souligné le peu de contrôle qu’on a sur celui-ci et que le contexte ne fait pas tout. À titre d’exemple, le gouvernement du Québec connaît une pénurie de main-d’œuvre colossale, sans pour autant offrir des hausses salariales importantes. Ce contexte, qui devrait être profitable aux travailleuses et travailleurs, n’est pas aussi déterminant qu’il devrait l’être. Les négociateurs syndicaux se font quand même répondre, à la table de négociation : « On ne peut pas. C’est difficile. On n’a pas les moyens… ».

Dans le contexte, on doit apprendre à comprendre l’autre, saisir sa réalité, ce qu’il veut, se mettre à sa place. Ce qui ne signifie pas dire pour autant de devenir comme lui, mais tout simplement de le comprendre.

Rapport de force entre les parties

Finalement, concernant les inégalités entre les parties négociantes, plus spécifiquement dans un contexte de négociation avec le gouvernement, les panélistes ont indiqué que les syndicats doivent adapter leurs stratégies et leur approche.

Quand on parle d’iniquité dans les négociations, il n’y a pas meilleur exemple que les négociations avec les Premières Nations. Ces derniers n’ont pas les ressources pour se battre contre la grosse machine gouvernementale, mais ils ont tout de même réussi, avec de la persévérance, à conclure plusieurs ententes avec les gouvernements ainsi que les compagnies minières et forestières au cours des dernières décennies.

Le droit du travail est très encadré : c’est un domaine extrêmement judiciarisé, soulignent les panélistes. La négociation est censée être la constatation d’un vrai rapport de force, mais les cadres sont devenus trop nombreux. Dans les négociations avec l’État, les membres ont souvent le mauvais rôle. Ils se font dire qu’ils prennent la population en otage. Le cadre juridique est aussi vraiment à l’avantage des patrons. Il faut donc être très créatifs.

Propositions adoptées

À la suite de cet atelier, les propositions suivantes ont été adoptées par les personnes y ayant participé :

  • Que le SPGQ innove dans les enjeux de négociation et recherche des moyens de faire évoluer les droits socioéconomiques de ses membres ainsi que de la société.
  • Que le SPGQ fasse valoir l’importance de la langue française comme lieu commun d’échange et seule langue officielle de l’État québécois.
  • Que le SPGQ obtienne les reconnaissances salariales équitables selon le corps d’emplois des autres entités publiques et parapubliques.
  • Que le SPGQ privilégie des approches plus innovantes avec des actions ciblées afin de créer un rapport de force dans la négociation.
  • Que le SPGQ sollicite sa base pour développer des actions ciblées et pour innover dans ses approches.
  • Que le SPGQ s’engage à entreprendre des recherches et des analyses sur les plans politique, économique et financier pour trouver des moments et des contextes favorables à la négociation.
  • Que le SPGQ identifie de nouveaux enjeux de négoci­ation et innove dans la recherche de moyens susceptibles de faire évoluer les droits socio­écono­miques de ses membres et de la société.
  • Que le SPGQ mette en place des moyens afin de faire respecter la langue française sur les lieux de travail.

Vidéo de l’atelier

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