Et si dix jours de congé payés pouvaient faire la différence entre la vie et la mort? Dix jours pour fuir la violence et reprendre son souffle, c’est vraiment un minimum. Pourtant, le ministre du Travail Jean Boulet n’a pas jugé bon d’inclure cette porte de sortie aux travailleuses et travailleurs victimes de violence conjugale dans le projet de loi 42 visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuelle en milieu de travail.
Se libérer de l’emprise d’un partenaire violent est souvent loin d’être simple pour une victime. Très souvent, l’agresseur contrôle pratiquement tous les aspects de sa vie, rendant sa fuite d’autant plus difficile. Le milieu de travail est parfois le seul espace qui reste à la victime pour réussir à s’en sortir et l’employeur a le devoir de l’aider à y parvenir.
La revendication des dix jours de congé payés pour les victimes de violence conjugale n’est pas nouvelle. Il y a près de deux ans, une pétition en ce sens a été déposée à l’Assemblée nationale et le ministre n’y avait pas non plus donné suite. Il a maintenant l’occasion de corriger le tir. Le gouvernement fédéral et la majorité des autres provinces offrent des congés semblables aux victimes de violence conjugale. Le Québec est dernier de classe au pays sur cette question.
Parmi les autres mesures pour aider les victimes de violence, il aurait été opportun d’inclure dans le projet de loi la mise en place de formations de sentinelles en milieu de travail pour soutenir les victimes de la violence conjugale, familiale et sexuelle. Une initiative semblable d’Unifor dans les milieux de travail de ses membres s’est révélée très positive. Il y aurait lieu de s’en inspirer.
Mieux soutenir les victimes
Il y a plusieurs mesures intéressantes dans le projet de loi 42, comme la formation obligatoire pour les arbitres de grief, la réduction de la portée des clauses d’amnistie dans les conventions collectives et l’ajout de précision à la Politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique.
D’autres éléments du projet de loi mériteraient toutefois d’être modifiés afin de mieux soutenir les victimes de harcèlement et de violence à caractère sexuel en milieu de travail. Le harcèlement ou l’agression perpétré par un collègue (personne de confiance) ou un patron (personne en autorité) de la victime devrait, par exemple, être considéré comme étant survenu à l’occasion du travail, jusqu’à preuve du contraire. Se faire tripoter par son patron dans un party de bureau n’est pas plus acceptable que lors d’une réunion!
Les délais de prescription pour un recours, variables d’un recours à l’autre, devraient aussi être harmonisés pour réduire la confusion et faciliter la vie des victimes.
Le projet de loi 42 est une bonne chose, mais le ministre devrait saisir l’opportunité et aller encore plus loin.
Sophie Ferguson
Deuxième vice-présidente
Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec