Tenter de changer le monde, un combat à la fois

Québec, le 4 juillet 2020 – Si le Québec peut travailler à protéger certaines espèces à statut précaire et à empêcher la destruction de certains milieux naturels, c’est entre autres grâce à des professionnels qui travaillent dans l’ombre comme Olivier Cameron Trudel, biologiste régional au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs depuis 2011 en Outaouais.

« À mon entrée en poste, j’ai d’abord collaboré avec des collègues du secteur forestier afin que les besoins de la faune soient mieux pris en compte dans le cadre du régime forestier actuel, illustre-t-il. J’ai aussi analysé plusieurs demandes d’autorisations pour des travaux dans les habitats fauniques, notamment pour des projets de stabilisation de berges, de reconstruction de ponts, d’aménagement de marina ou de lignes hydroélectriques. »

M. Cameron Trudel est aussi responsable de la gestion des populations d’animaux à fourrure et du piégeage en Outaouais. Le marché des fourrures n’étant plus ce qu’il était, une partie importante de son travail consiste à accompagner des citoyens afin de favoriser la cohabitation avec la faune en milieux urbains ou en milieux plus éloignés. Qu’on parle de castors, de ratons laveurs, de mouffettes ou de coyotes, de nombreux conflits entre les humains et ces mammifères surviennent chaque année.

Il gère également le dossier des espèces à statut précaire et de la biodiversité. Il effectue des suivis de populations, des activités de recherche et des actions pour rétablir ces espèces en collaboration avec des partenaires externes. Tous travaillent pour conserver la diversité des habitats et de la faune indigène du Québec, notamment pour le bénéfice de l’humain. « L’Outaouais étant d’une grande biodiversité, nous travaillons sur pratiquement tous les groupes d’espèces, en mettant l’accent sur ceux des tortues, des oiseaux de proie et des chauves-souris dont l’état des populations est préoccupant. »

Souvent perçus comme un frein dans la réalisation des projets, les biologistes ont plutôt à cœur que le développement se fasse de manière réellement durable. « Le développement durable force l’intégration des impacts sur la nature et sur la société dans l’équation de la rentabilité économique d’un projet, du moins, dans son concept d’origine, souligne M. Cameron Trudel. Une économie n’est vraiment durable que si elle permet à la société l’ayant généré de l’être aussi, et ce, dans un environnement qui peut les soutenir de façon tout aussi durable. Les services écologiques d’une nature intacte sont d’une grande valeur, parfois même inestimables économiquement. Le travail des biologistes du gouvernement du Québec vise à éviter ou atténuer au maximum les impacts environnementaux et fauniques de divers projets, sinon à trouver une façon de tenter de compenser ces impacts. »

Poser des gestes pour contribuer à conserver ou rétablir certaines conditions de vie nécessaires à notre existence sur la planète est plus que jamais d’actualité, même si les ressources accordées ne sont pas toujours à la hauteur des défis. Dans l’avenir, la technologie pourra encore mieux épauler les biologistes pour passer à une « gestion faunique 2.0 », croit M. Cameron Trudel. « Déjà, nous passons d’une gestion papier à une gestion numérique, note-t-il. Pour recueillir de l’information, nous utilisons plusieurs outils travaillant de façon passive, comme des caméras de chasse, des enregistreurs d’ultrasons pour capter les cris des chauves-souris ou encore des systèmes laser pour les dénombrer. Nous contribuons aussi au développement de nouvelles méthodes d’inventaires de diverses espèces par l’ADN environnemental ou encore par drones. Ces approches technologiques peuvent parfois générer une énorme quantité de données, alors il faudra travailler de pair avec le domaine de l’intelligence artificielle afin de procéder à des automatisations. Par exemple, sur 3 000 photos prises par une caméra dans un été, quelles sont celles où on retrouve une tortue? De multiples projets sont déjà en cours en collaboration avec des universités et des organismes sans but lucratif afin de mettre ces nouvelles technologies au service de la conservation. »

À un jeune qui souhaiterait devenir biologiste, M. Cameron Trudel suggère la patience et la persévérance. « Les changements sociaux prennent du temps, ils se déroulent à une échelle générationnelle, souligne-t-il. Sans mettre ses valeurs et ses convictions de côté, il faut être prêt à ne pas remporter tous ses “combats”, mais à demeurer malgré tout sur le “champ de bataille” où l’on peut être utile. Ceci dit, la biologie est un domaine passionnant et rempli de gens incroyables! Il permet d’avoir un contact unique avec la nature et de contribuer, à sa façon, à définir la société et la durabilité de ses activités économiques. Ralentir l’effondrement actuel de la biodiversité planétaire et des changements globaux sont possiblement parmi les plus grands défis que notre génération et les suivantes peuvent encore réaliser! »