Portrait de membre – Faire la différence dans le système de justice

Article publié dans le magazine L’Expertise – Décembre 2021

Par Nathalie Côté, conseillère aux communications


Rouages essentiels du système de justice québécois, les personnes qui exercent la fonction d’attaché(e) judiciaire ont un rôle méconnu dans la population. L’Expertise vous propose une brève incursion dans leur univers avec Me Johanne Fortin, attachée judiciaire, greffière spéciale et registraire de faillite au palais de justice de Québec depuis 10 ans.

Quelles sont vos études ?

J’ai fait mon baccalauréat en droit à l’Université Laval de 2003 à 2008, soit l’exigence pour occuper ce poste au sein du minis­tère de la Justice. Par la suite, j’ai également suivi la formation de l’École du Barreau et obtenu ma licence d’avocate en 2009, après un stage de six mois auprès de la magistrature à la Cour du Québec, chambre civile. En 2010, toujours à l’Université Laval, j’ai poursuivi mes études vers un certificat en manage­ment international de la Faculté d’administration ainsi qu’une maîtrise en droit international et transnational, pour laquelle j’ai obtenu mon diplôme en 2015.

En quoi consiste votre travail ?

Mon travail consiste principalement à présider des audiences et des appels de rôles ainsi qu’à analyser la preuve, faire des recherches juridiques et rendre des jugements dans différentes matières dont les pouvoirs sont attribués par la loi.

Ces matières sont principalement :

Les attaché(e)s judiciaires sont des références importantes au palais de justice, principalement dans les greffes, afin de répondre aux questions juridiques de la clientèle, des employé(e)s des greffes, des partenaires, des gestionnaires et de la magistrature. Nous donnons également de la formation à la clientèle ainsi qu’aux partenaires et nous siégeons à différents comités.

De quelle manière la pandémie a-t-elle affecté votre travail ?

Puisque la pandémie nous a obligés à limiter notre présence dans les installations du palais de justice, elle a ralenti tempo­rairement le système judiciaire, étant donné que les dossiers ne sont pas en format numérique. Au début de la crise, plusieurs solutions technologiques ont rapidement été déployées. La plupart des audiences et des interrogatoires sont désormais réalisés à distance par le biais de différents moyens technologiques. Les services judiciaires sont un service essentiel à la population. Par conséquent, nous devions continuer à offrir les services, tout en nous adaptant aux nouvelles réalités.

Quel est l’impact de votre travail sur la population ?

Le travail de l’attaché(e) judiciaire a un impact significatif sur la population en général. En effet, les décisions judiciaires rendues dans les différents domaines de compétence du greffier spécial ou du registraire de faillite ont une incidence sur la protection des personnes vulnérables, sur les droits et libertés d’une per­sonne ainsi que sur sa situation économique.

Prenons l’exemple de l’homologation d’un mandat de protection ou de l’ouverture d’un régime de protection. Ces jugements per­mettent aux personnes de la famille d’être légalement autorisées à prendre des décisions et à gérer les biens d’une personne inapte. Prendre la décision d’homologuer ou non un mandat de protec­tion pour une personne devenue inapte ou choisir une personne de la famille plutôt qu’une autre afin d’assumer le rôle de tuteur ou de curateur relèvent des pouvoirs de l’attaché(e) judiciaire.

Ou encore, en matière de faillite, le registraire a le pouvoir de modifier le montant que le failli doit verser à la faillite en vertu de la loi afin d’être libéré. Plusieurs éléments doivent être consi­dérés et analysés. Il va de soi que condamner un failli à payer 50 000 $ ou le condamner à payer 5 000 $ pour être libéré de sa faillite a un impact majeur sur sa situation financière.

C’est ainsi que l’attaché(e) judiciaire a, dans ses pouvoirs, une large discrétion dans les décisions à rendre. Cette discrétion doit bien entendu être exercée avec beaucoup de parcimonie, de justesse et d’impartialité, et s’appuyer sur des bases juridiques.

Quels sont les principaux enjeux auxquels vous faites face ?

Nous devons nous ajuster à une clientèle diversifiée et souvent vulnérable, tout en travaillant en collaboration avec plusieurs intervenants, dont le Curateur public du Québec, le procureur général du Québec ou du Canada ainsi que les avocat(e)s et les notaires en pratique privée.

Ensuite, la gestion des priorités est un défi puisque la charge de travail de l’attaché(e) judiciaire est très diversifiée. Dans une journée, je peux être appelée à répondre à plusieurs questions dans différentes matières judiciaires. Je dois être vigilante et rester à l’affût de tout l’univers du droit, ce qui n’est pas une mince tâche. L’environnement judiciaire est composé de beau­coup de procédés, de règles, de directives, de lois et de juris­prudence. Je dois jongler avec tout cela afin d’être la plus efficace et équitable possible. La majorité des dossiers dont je suis saisie revêtent aussi un caractère d’urgence. Il faut aussi considérer les délais imposés par la loi pour rendre certaines décisions judiciaires.

Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre travail ?

J’ai toujours cru que la justice peut être équitable et, chaque jour, je m’efforce d’agir de manière à ce qu’elle le soit. Dans la mesure où je suis capable d’aider les gens à traverser le proces­sus judiciaire, je le fais. J’ai la chance de pouvoir contribuer posi­tivement au fonctionnement du système en prenant des décisions judiciaires. En effet, la grande discrétion judiciaire de mes tâches facilite l’atteinte de cet objectif.

Finalement, le travail est aussi très varié : aucune place pour l’en­nui. En 10 ans, je n’ai jamais vraiment eu l’impression de travail­ler. J’ai plutôt le sentiment d’aider et d’améliorer les situations. De plus, j’ai toujours choisi de prendre le temps de bien faire les choses. Chaque décision ou chaque jugement repose sur une analyse méticuleuse, sur une recherche approfondie et sur une réflexion sérieuse. Selon moi, il est valorisant de rendre la déci­sion qui, selon notre jugement et les éléments dont nous dispo­sons, s’impose dans les circonstances.

Comment pensez-vous que votre travail va évoluer dans les prochaines années ?

Le milieu juridique est en constante évolution. Les lois changent, des courants jurisprudentiels se développent et la société évo­lue. Le travail d’attaché(e) judiciaire est très utile et précieux dans les palais de justice. Par conséquent, je pense qu’il va tou­jours exister. Les tâches pourraient toutefois changer au fil des ans, notamment en fonction des avancées jurisprudentielles, des nouvelles technologiques ou des projets mis en place dans le cadre de la transformation de la justice.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui voudrait effectuer le même travail que vous ?

C’est le plus beau métier du monde pour une personne qui aime l’univers juridique et le contact avec la clientèle. Nous avons la chance de faire une différence dans la vie des gens, et ce, sans avoir l’impression qu’il s’agit d’un domaine. Nous ne finissons jamais d’apprendre dans ce travail. Même après 9 ans, il y a toujours quelque chose à effectuer et à découvrir. Je pense surtout que, pour faire ce travail, il faut être passionné, effec­tuer preuve de patience et d’empathie, tout en étant ouvert aux changements et à l’ensemble de l’appareil judiciaire.