Manifester au Québec : huit mythes

Les libertés d’expression et de réunion pacifique garanties dans la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne au Québec protègent le droit de manifester sur la voie publique.

Malgré cette protection constitutionnelle, les groupes militants syndicaux se sont heurtés à divers obstacles au fil du temps. Ceux-ci relèvent en grande partie de l’application, par les corps policiers, de règlements municipaux.

Différents jugements ont toutefois reconnu que les droits et libertés des citoyens priment sur les règlements municipaux. Voici donc huit mythes sur le droit de manifester au Québec.

Je suis obligé d’obtenir un permis ou de fournir un itinéraire.

Les autorités ne peuvent pas exiger des formalités préalables aux manifestations telles qu’une l’autorisation, un avis ou la transmission d’un itinéraire. Les autorités ne peuvent pas sanctionner, au moyen d’amendes ou d’autres sanctions pénales, la participation à des manifestations. Les inconvénients et les désagréments qu’une manifestation peut causer à d’autres membres de la société ne constituent pas un préjudice et ils doivent être tolérés.

Je ne dois pas gêner la circulation. Il vaut mieux manifester sur le trottoir.

L’usage de la voie publique à des fins de manifestation pacifique est légitime. Les rues et les places publiques sont les lieux privilégiés de l’expression collective et de la manifestation. Interdire aux personnes manifestantes de gêner ou de perturber la circulation automobile, cycliste ou piétonne viole les libertés d’expression et de réunion pacifique. Même chose lorsqu’il s’agit de forcer les personnes manifestantes à demeurer sur le trottoir ou dans un espace déterminé. C’est inconstitutionnel.

Je dois éviter de faire trop de bruit.

L’utilisation de règlements sur le bruit en contexte de manifestation porte atteinte à la liberté d’expression et au droit de manifester. La volonté collective de crier, de chanter, de faire du bruit, de transmettre un message et de perturber est au cœur même de la notion de manifestation et de liberté d’expression.

Je pourrais être accusé si je tiens des propos injurieux ou violents.

L’interdiction de tenir des propos violents dans une manifestation viole la liberté d’expression. Cette atteinte n’est pas justifiée dans une société libre démocratique, si le message est non menaçant.

La propagande haineuse à l’endroit de groupes identifiables est toutefois interdite en vertu du Code criminel et des lois antidiscriminatoires.

L’infraction d’insulte ou d’injure à un policier ou à une policière dans l’exercice de ses fonctions n’a pas encore été jugée inconstitutionnelle. Ce pourrait être le cas en raison de son imprécision, de son caractère arbitraire et de sa portée excessive, mais cela reste à être démontré.

Si des actes violents sont commis dans la manifestation, elle devient illégale et je pourrais être dans le pétrin si je reste sur place.

Une disposition qui rend illégale toute manifestation, sous prétexte que des actes interdits sont commis par un petit nombre de personnes, porte atteinte au droit de manifester et aux libertés d’expression et de réunion pacifique de l’ensemble des personnes participantes. C’est inconstitutionnel.

Porter un masque dans une manifestation est illégal, je dois manifester à visage découvert.

L’interdiction générale du port du masque dans une manifestation viole les libertés d’expression et de réunion pacifique. C’est inconstitutionnel. D’ailleurs, dans le cadre de la pandémie de la COVID-19, le gouvernement a même… exigé le port du masque dans les manifestations!

Je n’ai pas le droit de poser des affiches dans l’espace public.

L’interdiction totale d’afficher dans l’espace public est inconstitutionnelle. L’imposition de conditions lourdes et difficiles à rencontrer l’est également. Par contre, l’encadrement raisonnable de l’affichage par une municipalité est permis.

L’interdiction d’affichage ne peut viser le contenu du message. Ainsi, l’interdiction d’afficher un message politique, syndical, écologiste, féministe ou autre, est inconstitutionnelle.

Si j’organise une manifestation, je dois obtenir une assurance responsabilité.

L’obligation d’obtenir une assurance responsabilité constitue un fardeau excessif pour les personnes organisatrices d’une manifestation. Cette obligation constitue une atteinte injustifiée à la liberté d’expression et au droit de manifester.