Petite histoire des luttes sociales et syndicales

Les luttes pour l’amélioration des conditions de travail des personnes employées syndiquées ou non et pour d’autres causes sociales, comme les droits des chômeurs, des personnes assistées sociales et des étudiants, ne se sont pas déroulées sans heurts. Les luttes syndicales sont toujours longues, ardues et difficiles, mais, au fil des décennies, elles ont fait avancer les droits des travailleurs et ceux de la société. Voici quelques moments-clés.

La naissance du syndicalisme

Au Québec, le début de la syndicalisation des travailleurs et des luttes associées et l’acquisition du droit de grève pour les travailleurs du Québec sont survenus en 1898 à la suite d’une décision de la Cour suprême du Canada.

La grande noirceur

Les années 1940 et 1950 ont été appelées celles de la Grande Noirceur en raison de l’opacité et de politiques réactionnaires que subissait la population du Québec sous la gouverne du premier ministre de l’époque, Maurice Duplessis. L’alliance des mondes politique, religieux et patronal a fait stagner et régresser la société québécoise. Le patronage y régnait en maître et les droits des travailleurs étaient souvent bafoués.

Le syndicalisme a apporté un peu de lumière dans cette période par ses coups d’éclat et quelques gains. En 1946 au Québec, la Commission du salaire minimum a adopté le règlement du droit aux congés annuels (vacances) pour les travailleurs. Celui-ci stipule que les travailleurs ont droit à une semaine de vacances payée par l’employeur, après une année de service continu. Pour l’obtention de la deuxième semaine, il aura fallu attendre 1968 !

Le prix à payer a toutefois été élevé pour certains. Les grèves des travailleurs miniers d’Asbestos et Murdochville, par exemple, ont subi de la violence policière lors de ces conflits de travail.

Révolution tranquille

Ces grèves ont certainement contribué à l’avènement de la Révolution tranquille dans les années 1960 au Québec. Un des jalons importants de cette période a été l’adoption de la Loi sur la Fonction publique, en 1965. Celle-ci a permis d’éviter le patronage dans les milieux de travail (sécurité d’emploi) et a confirmé les droits d’association, de négociation, de grève et d’affiliation à une centrale syndicale.

1970-2000

Le droit de grève est particulièrement exercé à partir des années 1970 alors que se constitue le front commun syndical des trois grandes centrales de l’époque (CSN, FTQ et CEQ) dans la fonction publique. En mai 1972, à la suite de grèves légitimes, mais dites illégales après l’adoption d’une loi spéciale par le gouvernement, les trois chefs syndicaux de l’époque ont été emprisonnés pour un an. À l’issue de ces négociations, les syndicats ont consolidé la notion de permanence des travailleurs (sécurité d’emploi) ainsi que l’obtention d’un salaire hebdomadaire minimal de 100 $ pour les plus bas salariés.

Par la suite, la mobilisation syndicale a aussi permis des gains bien perceptibles pour les travailleurs et contribué à l’avancement de la société québécoise. Parmi ceux-ci, on retrouve :

  • Le congé de maternité;
  • Les jours fériés chômés et rémunérés ; La Loi sur les normes du travail (1979) décrétant les conditions minimales d’emploi des travailleurs;
  • La loi sur l’équité salariale (1996);
  • La création des centres de la petite enfance (1998);
  • L’entrée en vigueur des dispositions de la Loi sur le harcèlement psychologique (2004);
  • La réduction de la semaine régulière de travail, passée à 44 heures en 1980 à 40 heures par semaine à la fin des années 1990.

Les syndiqués de la fonction publique et du secteur parapublic ont toutefois aussi subi des reculs inspirés par les modèles et principes néolibéraux, dont l’austérité. À chaque négociation, le gouvernement prétexte la recherche de l’équilibre budgétaire et brandit le spectre de la dette et de déficits. Le sous- financement des services publics, la déconstruction de l’État et la privatisation des services, l’imitation des pratiques des employeurs privés, la réduction des services aux citoyens, les reculs des droits des travailleurs, la détérioration qualitative des emplois, la surutilisation de la sous-traitance ainsi que la propagande antisyndicale et anti-employés guident l’action gouvernementale.

L’État censé protéger l’équilibre fragile des pouvoirs entre employés et employeurs est devenu progressivement, durant la Guerre froide, un État patron, légiférant constamment et intervenant dans les relations de travail, souvent au profit du patronat québécois.

En 1979, le gouvernement a éliminé la clause d’indexation des salaires. En 1982-1983, il a unilatéralement décrété des réductions salariales de 19,5 %. Il a aussi imposé un programme de retraites forcées en 1997.

Les années 2000

Au cours des dernières années, les tentatives syndicales de négocier en front commun dans la fonction publique et les secteurs parapublics ont donné peu de résultats probants pour diverses raisons : règles strictes du Code du travail, contexte désavantageux de négociation des services essentiels, situation économique difficile, mobilisation déficiente, corporatisme et hiérarchies syndicales plus rigides, lois spéciales, pertes d’acquis, faibles augmentations salariales, etc. Résultat : la démobilisation des membres syndiqués. Afin d’éviter que la négociation du secteur public ne devienne qu’une fatalité et un passage obligé plutôt routinier, il faut miser davantage sur la mobilisation des membres.

Depuis les années 2000, les luttes syndicales se transforment davantage en bataille pour l’opinion publique. Une stratégie s’adressant en partie aux médias pour la faire pencher en faveur des travailleurs peut faire la différence en temps de négociations.

Des grèves illégales tenues pendant deux semaines par des professeurs en Colombie-Britannique, à l’automne 2005, ont démontré qu’une négociation stratégiquement bien planifiée, axée sur un message bien assimilé par le public peut faire fléchir le gouvernement, particulièrement lorsque les membres sont unis et mobilisés. Dans ce cas-ci, les professeurs ont retrouvé leur dignité et ont pavé la voie aux autres négociations des travailleurs des services publics en Colombie-Britannique.

Au Québec, la grande mobilisation des étudiants lors des grèves de 2012 a permis de limiter la hausse prévue des frais de scolarité à l’université. De plus, par leur participation active à l’élection de septembre 2012, les étudiants ont permis de défaire le gouverne- ment libéral en place depuis neuf ans.

Les interventions des syndicats et la mobilisation de leurs membres ont aussi permis l’amélioration du sort des travailleurs, qu’ils soient syndiqués ou non.

En 2018, par exemple, la CNESST a modifié plusieurs règles régissant l’organisation et les normes minimales au travail. Parmi les changements, on retrouve notamment :

  • l’obligation pour l’employeur de transmettre l’horaire au travailleur au moins cinq jours à l’avance;
  • l’impossibilité pour l’employeur d’exiger plus de deux heures supplémentaires par jour;
  • trois semaines de vacances après trois ans de service;
  • des congés étendus pour raisons familiales et parentales;
  • un congé étendu aux personnes victimes de violence.

En 2019, le lanceur d’alerte Louis Robert, agronome au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) et membre syndiqué au SPGQ, a été congédié après avoir dénoncé le lobby des pesticides dans les médias. Il s’est attiré un grand capital de sympathie dans la population et il a réussi à interpeller l’ensemble de la société québécoise face aux dangers de l’utilisation des pesticides. Il a contribué à la mise en place d’une commission parlementaire à ce sujet. Louis Robert a retrouvé son poste depuis, mais le débat se poursuit toujours sur la place publique au Québec.